
Protéger & fortifier
Des mesures de gestion durable de la santé en entreprise (GSE) permettent de protéger et de soutenir les employés des services d’aide et de soins à domicile. Sonja Wagner, directrice de Spitex Birseck, et Eric Bürki, responsable Gestion de la santé en entreprise et membre de la direction de Promotion Santé Suisse, expliquent comment introduire un tel concept étape par étape, pourquoi la direction doit donner l’exemple en matière de GSE, quel rôle joue la communication interne et ce qu’il en est du label «Friendly Work Space».

EVA ZWAHLEN. En Suisse, les employeurs sont tenus par la loi de prendre des mesures concernant la sécurité et la protection de la santé au travail (voir encadré). Les branches et les associations définissent généralement la mise en œuvre correspondante de manière plus approfondie dans le cadre de documents séparés. C’est aussi le cas pour Aide et soins à domicile Suisse: dans le manuel de qualité 1, le manuel de branche national destiné à toutes les organisations d’aide et de soins à domicile, le standard 17 stipule que «la protection, la sécurité et la santé des collaboratrices et collaborateurs sont garanties et encouragées». Les indicateurs correspondants précisent que «les prescriptions légales en matière de sécurité au travail et de protection de la santé ainsi que les directives de la loi sur le travail sont respectées» (indicateur 17.1) et que «l’organisation d’aide et de soins à domicile dispose d’une gestion de la santé en entreprise qui est durablement ancrée dans le travail quotidien» (indicateur 17.2).
Un concept de GSE en quatre étapes
L’étendue d’un concept de gestion de la santé en entreprise (GSE) dépend notamment de la taille de l’organisation d’aide et de soins à domicile. Sonja Wagner est directrice de Spitex Birseck (BL), une organisation d’aide et de soins à domicile d’environ 100 employés, dont le concept actuel de GSE a été introduit au printemps 2024 dans le but de promouvoir la santé et le bien-être des collaboratrices et collaborateurs, d’optimiser les conditions de travail et de créer une base durable pour un environnement de travail sain. «Nous avons confié l’élaboration du concept à un ‹cercle de santé›, composé de collaborateurs, de cadres, de la direction générale et de spécialistes externes», explique Sonja Wagner. La composition de ce groupe a été soigneusement choisie par Spitex Birseck afin d’intégrer un maximum de perspectives dans le processus. Sonja Wagner précise: «Les cadres, en particulier, jouent un rôle de multiplicateurs et de modèles dans la mise en œuvre des mesures de santé. Leur contribution est essentielle à toutes les étapes, de l’élaboration au déploiement des mesures.»
Un processus a été défini en commun; celui-ci s’est déroulé en quatre phases. Au cours de la phase «Collecte des données», Spitex Birseck a interrogé le personnel de manière anonyme en tant que groupe cible principal sur les forces, les faiblesses et les besoins en matière de promotion de la santé de l’organisation. Ensuite, les champs d’action pertinents qui avaient émergé du sondage ont été identifiés (phase «Collecte de thèmes»). Dans un troisième temps, le groupe de travail s’est concentré sur des mesures concrètes, réalisables à court terme et durables à long terme (phase «Priorisation»). Pour finir, le concept de GSE effectif a été développé (phase «Développement du concept»). Il s’agit d’un concept modulaire et adapté aux défis spécifiques de Spitex Birseck.
Bases légales concernant la protection de la santé au travail
La sécurité et la santé au travail sont régies par deux législations distinctes. La loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA) régit la sécurité au travail, c’est-à-dire la prévention des accidents et des maladies professionnelles. La loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce (loi sur le travail, LTr) contient pour sa part les prescriptions relatives à la protection générale de la santé. Les deux législations traitent de faits qui se recoupent en partie et qui sont réglés sous l’angle de la protection correspondant. La Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST) assume une fonction de pilotage et de coordination dans ces deux domaines. C’est elle qui tire les ficelles. La CFST veille à ce que les travailleurs soient protégés autant que possible contre les accidents et les maladies professionnels. La publication de la CFST «L’accident n’arrive pas par hasard! Sécurité au travail et protection de la santé dans le secteur de l’aide et des soins à domicile (Spitex)» a été élaborée pour la branche.
→ www.ekas.ch/fr
Mettre en évidence la valeur ajoutée pour le personnel
Le concept actuel de GSE de Spitex Birseck couvre les cinq domaines suivants: l’aménagement des postes de travail, la santé psychosociale, la promotion de la santé, la culture d’équipe et le monitoring, c’est-à-dire l’évaluation de l’efficacité des mesures par le biais d’enquêtes régulières. Si le domaine «aménagement des postes de travail» est relativement connu et comprend des aspects tels que la kinesthésie, il est positif de constater que le concept intègre des mesures liées à la santé psychosociale des collaboratrices et collaborateurs. Sonja Wagner l’explique ainsi: «La santé psychique de nos collaborateurs nous tient à cœur, à moi et à ma direction. C’est pourquoi nous avons tenu à inclure dans le concept des mesures pour la gestion du stress, la prévention du burn-out et le renforcement de la résilience.» L’introduction du concept a suivi un processus structuré et a commencé par l’information et la sensibilisation du personnel. «Les employés doivent comprendre quels objectifs et quels bénéfices nous poursuivons avec la GSE. Pour cela, nous avons surtout investi dans la communication interne», explique Sonja Wagner.
Spitex Birseck a ensuite lancé une phase pilote afin de tester l’acceptation et la faisabilité pratique de certaines mesures. Finalement, l’organisation a introduit progressivement le nouveau concept, l’a accompagné par des formations et des ateliers et l’a évalué. Quels défis la direction a-t-elle rencontrés lors de l’introduction du nouveau concept de GSE? A ce sujet, Sonja Wagner confie: «Au départ, les collaborateurs ont réagi avec réticence et nous avons ressenti du scepticisme, surtout vis-à-vis des formations supplémentaires et des nouveaux processus. Par ailleurs, comme la plupart des organisations d’aide et de soins à domicile, nous disposons de ressources limitées en termes de temps, qu’il faut utiliser avec soin.» Elle ajoute: «Tout au long du processus, nous avons maintenu un échange intensif et transparent, grâce à une communication interne solide, en mettant en évidence la valeur ajoutée pour les collaboratrices et collaborateurs.» De plus, selon Sonja Wagner, le fait d’avoir intégré les employés dès le début au cercle de santé et de leur avoir donné la possibilité de faire part de leurs retours et suggestions via des enquêtes a été bénéfique. Des améliorations rapidement visibles, comme l’installation de bureaux réglables en hauteur pour tout le personnel ou l’ajout de doubles écrans, ont motivé les équipes à s’investir davantage.
Les cadres jouent un rôle de
multiplicateurs et de modèles
dans la mise en œuvre des
mesures de santé. Leur
contribution est donc essentielle.
SONJA WAGNER
Directrice de Spitex Birseck
La direction doit (faire) vivre la GSE
Pour qu’un concept de GSE soit réellement exploité après son introduction et ne devienne pas un «tigre de papier», il faut toutefois qu’il soit contraignant. Sonja Wagner explique ainsi que des responsabilités clairement définies ont été mises en place au sein de Spitex Birseck. L’organisation partage également des exemples de réussite et des rapports d’avancement via des canaux internes et intègre des boucles de feedback régulières afin de vérifier en permanence l’efficacité du concept. La directrice recommande donc aux autres organisations d’aide et de soins à domicile d’impliquer les employés et les cadres dès le début du processus et de développer des mesures concrètes et applicables. La GSE est un processus dynamique qui doit être constamment ajusté et enrichi, ajoute-t-elle. «Les cadres sont des modèles qui donnent l’exemple en matière de mesures à prendre.»
Le label «Friendly Work Space»
Avec le label «Friendly Work Space», la fondation Promotion Santé Suisse (PSS) distingue les employeurs qui s’engagent systématiquement pour des bonnes conditions de travail
et des employés en bonne santé. Introduit en 2009, celui-ci est le seul label de qualité suisse reconnu pour la gestion de la santé en entreprise. Il a été développé avec des spécialistes issus de l’économie et de la science et permet une perspective globale sur les différentes mesures de GSE. Certaines organisations d’aide et de soins à domicile ont déjà obtenu le label, comme c’est le cas de Spitex Kempt (ZH). Par ailleurs, PSS propose un module spécial destiné aux établissements médico-sociaux et aux organisations d’aide et de soins à domicile, qui permet aux employeurs d’obtenir une vue d’ensemble détaillée des situations de stress au sein de l’organisation. L’enquête prend en compte des facteurs spécifiques tels que les ressources en personnel, la planification des prestations, la qualité des soins et de l’accompagnement, le rationnement des soins, la gestion des incidents d’agression ou encore la formation continue.
→ www.friendlyworkspace.ch/fr
Des concepts à ne pas laisser dans un tiroir
En Suisse, les exigences en matière de sécurité au travail et de protection de la santé sont définies légalement, notamment dans la loi sur le travail et la loi sur l’assurance-accidents, comme mentionné en introduction. Toutefois, de nombreuses entreprises, y compris diverses organisations d’aide et de soins à domicile, vont au-delà des exigences légales en mettant en œuvre des mesures volontaires dans le domaine de la GSE. Cela est par exemple le cas lorsque les employés sont souvent absents pour des raisons de santé, ce qui a finalement aussi des conséquences économiques pour l’entreprise. La fondation Promotion Santé Suisse (PSS) propose un accompagnement et des outils variés pour soutenir ces initiatives. Parmi ces outils, le label «Friendly Work Space», est particulièrement connu (voir encadré). Eric Bürki, responsable GSE et membre de la direction de PSS, partage son expertise sur les points essentiels à considérer lors de l’introduction et de la mise en œuvre d’un concept de GSE, ainsi que sur les obstacles et défis potentiels. Il explique: «Lors de l’introduction et de la mise en œuvre d’un concept de GSE, il est crucial de disposer de bases standardisées. Il faut aussi clarifier qui en porte la responsabilité, quelles sont les ressources nécessaires et comment établir une structure durable. La communication du concept et l’intégration dans les systèmes de management existants sont également essentielles.» A ses yeux, les obstacles typiques sont notamment le fait que la direction ne s’implique pas activement ou ne remplit pas son rôle de modèle. Le manque de ressources, des structures peu claires, l’absence de personnes clés, une communication insuffisante ou le manque d’intégration d’employés issus de tous les niveaux hiérarchiques sont également des obstacles potentiels. Il est en outre fondamental qu’un concept de GSE ne finisse pas dans un tiroir, mais qu’il soit accompagné d’une feuille de route claire pour sa mise en œuvre.
Les employés doivent comprendre quels objectifs et quels bénéfices nous poursuivons avec la GSE. Pour cela, nous avons surtout investi dans la communication interne.
SONJA WAGNER
Directrice de Spitex Birseck
Mettre en place des mesures participatives et promouvoir la santé mentale
Les employés de l’aide et des soins à domicile effectuent parfois leurs interventions dans des logements exigus, géographiquement isolés, avec des installations vétustes, sans moyens auxiliaires ou sous une forte pression temporelle et psychosociale. Beaucoup d’organisations d’aide et de soins à domicile proposent également leurs prestations durant la nuit, ce qui implique des exigences supplémentaires en matière de sécurité (voir édition 6/2024). L’expert en GSE estime que ces conditions générales constituent des «contraintes» potentielles: «Pour y remédier, les mesures participatives sont décisives. Elles comprennent par exemple des investissements dans des postes de travail ergonomiques, un soutien psychosocial ainsi que des concepts de sécurité pour les services de nuit. Une approche globale de la GSE est essentielle pour promouvoir durablement la santé et la motivation des collaborateurs.» Outre les défis liés aux soins à domicile, les employés de l’aide et des soins à domicile sont souvent confrontés à des conflits d’intérêts dans leur travail quotidien: ils essaient de répondre à la fois aux exigences de la profession en matière de soins et aux attentes des clientes et des clients. D’autre part, ils sont soumis à une certaine pression économique et temporelle. Cela peut entraîner une grande charge psychique et, dans le pire des cas, l’abandon de la profession. C’est pourquoi Eric Bürki accorde une grande importance à la santé mentale du personnel de l’aide et des soins à domicile: «Les employeurs ont un rôle décisif à jouer pour promouvoir durablement la santé psychique de leurs collaboratrices et collaborateurs et pour atténuer les contraintes du travail quotidien. Pour prévenir le stress psychologique, il convient d’intégrer des mesures aux niveaux organisationnel et individuel. Sur le plan organisationnel, une communication claire, des modèles de travail flexibles et une meilleure planification des interventions sont essentiels.» Eric Bürki signale en outre que sur le plan individuel, des formations à la résilience, des cours de gestion du stress et des offres telles que l’entraînement à la pleine conscience ou le yoga peuvent aider. En outre, l’expert en GSE souligne qu’une culture d’entreprise axée sur la santé favorise le bien-être mental: «Celle-ci inclut la valorisation, la participation au développement des mesures et la possibilité de réflexions régulières.»

Les employeurs ont un rôle
décisif à jouer pour promouvoir
durablement la santé psychique de
leurs collaboratrices et
collaborateurs et pour atténuer les contraintes du travail quotidien.
ERIC BÜRKI
Responsable Gestion de la santé en entreprise et membre de la direction chez Promotion Santé Suisse
Protéger les employés vulnérables
Les services d’aide et de soins à domicile investissent dans la relève en formant les assistantes et assistants en soins et santé communautaire de demain et en offrant des places de stage aux futurs infirmières et infirmiers diplômés. Les apprentis ont des besoins particuliers en matière de sécurité au travail et de protection de la santé, tout comme les personnes âgées ou encore les femmes enceintes. Eric Bürki évoque les exigences auxquelles les supérieurs hiérarchiques doivent se conformer: «Les différentes prescriptions légales sont très claires à ce sujet. Il est du devoir de la direction d’une antenne de s’assurer que les cadres connaissent ces exigences. En cas de questions, il faudrait impérativement s’adresser aux inspections cantonales du travail.» PSS propose ainsi deux outils – «Apprentice» et «Leadership-Kit» – que les organisations peuvent utiliser volontairement pour offrir aux apprentis un début de carrière en bonne santé ou pour renforcer la santé de leurs collaboratrices et collaborateurs.
Pour toute question concernant l’élaboration, l’introduction et la communication d’un concept de GSE, Sonja Wagner, directrice de Spitex Birseck, se tient à votre disposition.
→ sonja.wagner@spitex-birseck.ch