Les clientes et les clients sont satisfaits de leurs pairs

Des chercheurs de la Haute école spécialisée bernoise ont examiné à la loupe le travail des pairs dans l’Aide et soins à domicile. Leur étude montre que les clientes et clients considèrent les pairs comme un enrichissement – mais elle révèle que le travail réalisé par les pairs se heurte aussi à des défis.


Avec leur savoir expérientiel, les pairs aident à la prise en charge des personnes souffrant de maladies psychiques.
Illustration: Getty Images

KM. «L’intégration des pairs dans les soins psychiatriques est de plus en plus recommandée et nécessaire», écrivent des chercheurs de la Haute école spécialisée bernoise (HESB) dans leur rapport final sur le projet sur les soins psychiatriques ambulatoires et le travail de proximité par les pairs (APPeer). Les pairs sont des «personnes concernées par la même maladie»: ils ont eux-mêmes surmonté une maladie psychique et peuvent soutenir d’autres personnes concernées grâce à leur expérience et leurs connaissances empiriques. Pourtant, selon la HESB, le travail par les pairs est encore peu répandu dans le secteur ambulatoire en Suisse. Depuis 2022, l’association Programme de promotion et fonds social pour l’accompagnement ambulatoire par les pairs (VFSPB) veut changer cette situation avec son projet INGA1. Jusqu’à présent, cette association a soutenu quatre organisations d’aide et de soins à domicile dans l’implémentation du travail par les pairs (voir «Magazine ASD» 4/2023 et 1/2022).

Les chercheurs ont voulu montrer comment le travail effectué par les pairs est implémenté dans les organisations d’aide et de soins à domicile et quels sont les défis à relever à ce sujet et de quelle manière. Dans le cadre d’une étude qualitative participative qui a eu lieu entre novembre 2023 et février 2024, ils ont réalisé des entretiens dans des groupes de discussion et des interviews d’expertes et d’experts auprès de différentes catégories de personnes concernées; ils ont aussi procédé à des observations participantes dans trois organisations d’aide et de soins à domicile. Dans le rapport final d’APPeer, publié à la mi-septembre 2024, ils exposent notamment les résultats suivants: 

  • Clients et clientes satisfaits: Les collaboratrices et collaborateurs de l’Aide et soins à domicile interrogés considèrent que l’utilisation de l’expérience et des connaissances empiriques des pairs joue un rôle central pour établir un contact relationnel supplémentaire avec les clients et clientes. En adéquation avec ce constat, les clients et clientes sont très satisfaits du travail réalisé par les pairs. Ils considèrent que l’alternance entre la prise en charge par les pairs et par les soignants est enrichissante et favorise une gestion plus efficace du quotidien.
  • Facturation: Les pairs ont différents parcours de formation, ils ont néanmoins tous suivi un cours ­d’auxiliaire de santé. Ainsi, leurs prestations peuvent être facturées par les services d’aide et de soins à domicile auprès des caisses d’assurance-maladie – comme prestation C. Certains collaborateurs de l’Aide et soins à domicile jugent toutefois cette méthode de financement insatisfaisante, car elle ne correspond pas aux activités réalisées par les pairs.
  • Pairs au sein de l’équipe: Deux des trois pairs interrogés ont estimé que l’ambiance de travail était bonne. Les chercheurs expliquent que le taux ­d’occupation des pairs peu élevé, leur manque de connaissances en psychiatrie – considéré de façon critique par les collaborateurs de l’Aide et soins à domicile – ainsi que leur encadrement externe par les responsables d’INGA compliquent leur intégration dans l’équipe d’aide et de soins à domicile. 
  • Comment l’implémentation peut réussir: Les chercheurs ont identifié les responsables d’INGA ainsi que les collaborateurs de l’aide et des soins à domicile particulièrement engagés et expérimentés comme étant des «agents de changement» importants pour l’implémentation du travail réalisé par les pairs. Ils précisent en outre qu’un financement du projet est indispensable pour une introduction réussie. De plus, selon les collaborateurs de l’aide et des soins à domicile, les responsables d’INGA ont ­effectué un «important travail de pionnier et de mise en réseau».
  • Transformation de l’ensemble de l’organisation: Les chercheurs critiquent le fait qu’il n’y ait que rarement une réflexion approfondie sur les valeurs et les attitudes envers le rétablissement 2 et le travail des pairs dans l’ensemble de l’organisation d’aide et de soins à domicile. Le travail des pairs mis en place est au contraire plutôt considéré comme une intervention individuelle. Les chercheurs recommandent que les organisations utilisent à tous les niveaux l’expérience et les connaissances empiriques des pairs. Dans ce sens, il serait utile d’organiser des formations et des formations continues ciblées sur le travail effectué par les pairs et sur le rétablissement, destinées à tous les collaborateurs de l’Aide et soins à domicile.

Un meilleur financement est exigé
En réaction au rapport d’étude, l’initiateur d’INGA Roger Altmann fait remarquer au «Magazine ASD» que les clientes et clients ne sont pas «les seuls» à profiter du travail des pairs. «Nous observons déjà après très peu de temps une nette hausse de la satisfaction des employés de l’Aide et soins à domicile qui travaillent avec les pairs», souligne-t-il. Pour les pairs, le travail dans l’Aide et soins à domicile est une occasion de réintégrer le marché du travail primaire. Roger Altmann souhaiterait aussi que l’introduction du travail par les pairs conduise à une transformation de l’ensemble de l’organisation d’aide et de soins à domicile. «Toutefois, il faut tenir compte de la forte charge de travail des organisations d’aide et de soins à domicile, qui exige de fixer des priorités», dit-il. Roger Altmann souligne aussi que lors de l’implémentation du travail par les pairs et en temps normal, il est indispensable d’avoir «une bonne interaction entre le soutien interne et externe». L’encadrement externe permet de décharger les collaborateurs des services d’aide et de soins à domicile, ce qui est également important, car, dans la phase actuelle de mise en place, les activités liées au travail des pairs dans les services d’aide et de soins à domicile ne sont pas assez financées. «Le financement actuel du travail effectué par les pairs est insuffisant et ne couvre pas les coûts», confirment les chercheurs dans leur rapport. C’est pourquoi ils proposent la réalisation d’autres études pour mesurer la valeur ajoutée du travail des pairs et soutenir «les négociations avec les assureurs-maladie ou les cantons et contribuer à un financement durable et satisfaisant».

Le rapport d’étude «Ambulante psychiatrische Pflege und aufsuchende Peerarbeit (APPeer): Qualitative Untersuchung zur Implementierung von Peers in Spitexorganisationen» de Christian Burr, Nora Ambord, Sabine Ruhle Andersson, Melina Hasler et Anna Hegedus est disponible en allemand sous
https://www.bfh.ch/de/forschung/forschungsprojekte/2023-326-204-755/

INGA offre un soutien aux organisations d’aide et de soins à domicile pour l’intégration du travail des pairs à travers un emploi fixe dans l’Aide et soins à domicile. Le bureau des pairs du Réseau Santé Suisse propose une alternative, en intégrant les pairs dans le contingent d’heures. Renseignements: roger.altmann@ngch.ch, plus d’informations sur www.vfspb.ch ou www.ngch.ch

  1. L’appellation INGA se réfère à l’implication (INvolvement) des personnes ayant une expérience de la psychiatrie, à l’accompagnement du rétablissement (Genesung) ainsi qu’à l’échange (Austausch) d’expériences et de connaissances empiriques. ↩︎
  2. L’approche basée sur le rétablissement favorise des facteurs tels que l’autodétermination, la satisfaction et l’entraide afin d’améliorer la qualité de vie (subjective) malgré la maladie psychique. ↩︎

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