
SHIP: grande vision, petits pas
Trois organisations d’aide et de soins à domicile ont testé avec succès l’automatisation de l’échange de données administratives avec les caisses-maladie. A l’issue de la phase pilote, le logiciel de SHIP (Swiss Health Information Processing) est désormais à la disposition des organisations d’aide et de soins à domicile. La numérisation et l’harmonisation qui en découle restent néanmoins un défi dans le secteur de la santé.

KARIN MEIER. Simplifier les processus administratifs et fournir la bonne information – comme l’ordonnance numérique des prestations de soins – au bon moment: telle est la vision de SHIP (Swiss Health Information Processing), un système de notification numérique destiné à la numérisation et à l’automatisation de l’échange de données dans le secteur de la santé (voir article). SHIP est développé par SASIS SA. La solution logicielle repose sur la standardisation des processus administratifs selon les normes eCH et relie les fournisseurs de prestations, tels que les organisations d’aide et de soins à domicile, les médecins de famille, les hôpitaux et les EMS, aux assureurs-maladie. Les données administratives sont échangées de manière automatisée, supprimant ainsi la nécessité de scanner des documents ou d’envoyer des courriers. La transmission est conforme à la protection des données, chiffrée et exclusivement entre les acteurs concernés.
De la vision à l’application
Dans le domaine stationnaire, SHIP est déjà utilisé depuis un certain temps pour les garanties de prise en charge des coûts. L’année dernière, les organisations d’aide et de soins à domicile de Lucerne (Spitex Stadt Luzern), Berne (Spitex Bern) et Grauholz (Spitex Grauholz) ont testé l’utilisation de SHIP pour l’ordonnance numérique dans le cadre d’un projet pilote avec l’assureur-maladie Helsana. Les partenaires logiciels root-service et myneva Suisse ont intégré SHIP dans leurs produits respectifs, Perigon et myneva.swing. Grâce à cette intégration directe, les informations sont automatiquement transmises aux assureurs-maladie, et les retours sont aussi reçus de manière automatisée. Ce qui paraît simple a pourtant représenté un véritable défi durant la phase pilote. «Nous avons défini dès le départ le processus pour les organisations d’aide et de soins à domicile, puis nous l’avons continuellement adapté», explique Nicole Zeller, responsable de la gestion qualité chez Spitex Stadt Luzern. L’harmonisation des processus, en concertation avec les assureurs, a été particulièrement laborieuse: au total, plus de 500 heures de travail interne ont été nécessaires. «Des organisations d’aide et de soins à domicile plus petites n’auraient pas pu assumer un tel effort», affirme-t-elle. L’expérience a été similaire chez Spitex Bern, confirme Ursula Dolder, responsable du support informatique, qui a tenu une dizaine de réunions avec Helsana. Elle a toutefois pu gérer une bonne partie du travail supplémentaire dans ses activités quotidiennes, notamment grâce à des échanges bimensuels avec le fournisseur de logiciels root-service. Selon son directeur Samuel Sieber, Spitex Grauholz a vécu la phase pionnière comme «un défi intense, mais aussi passionnant et porteur d’avenir, qui s’est bien intégré dans le fonctionnement courant».
La coopération avec les médecins de famille, un point crucial
La dimension technique n’est qu’une partie du défi: les trois organisations pilotes ont aussi dû déployer d’importants efforts de persuasion — et ce travail se poursuit. En effet, les normes eCH ne simplifient les processus que si les médecins de famille, qui prescrivent les soins, adhèrent eux aussi au système. C’est pourquoi les trois organisations d’aide et de soins à domicile sont en contact avec eux afin de les informer des avantages. «Promouvoir SHIP et convaincre les médecins de son utilité demande beaucoup d’engagement», explique Ursula Dolder. Pourtant, la participation des médecins est très simple: une inscription unique avec leur adresse e-mail HIN professionnelle suffit pour utiliser SHIP. La collaboration avec les médecins de famille connaît des succès variables: du côté de Spitex Bern, à l’heure actuelle, seuls deux cabinets médicaux participent, tandis que la situation évolue favorablement du côté de Spitex Stadt Luzern. «Au départ, seuls trois cabinets avaient adhéré à SHIP après quatre mois et plusieurs lettres d’information de notre part et de celle de SASIS. A notre initiative, l’Association des médecins de famille de Lucerne a entrepris un travail d’information supplémentaire. Aujourd’hui, plus de dix cabinets médicaux y sont reliés», explique Nicole Zeller. Chez Spitex Grauholz, les échos sont positifs: «J’ai impliqué les médecins de famille dans le processus dès le début, je les ai informés tôt et régulièrement, en présentant SHIP comme un modèle d’avenir. A quelques exceptions près, tous les médecins avec qui nous sommes régulièrement en contact utilisent SHIP», rapporte Samuel Sieber.
SHIP augmente l’efficacité
L’investissement pour les trois organisations pilotes a été important, mais il en valait la peine, juge Samuel Sieber: «Grâce à nos efforts et à nos partenaires logiciels, SHIP est prêt à l’emploi pour la branche et peut être intégré à un coût raisonnable.» Le grand potentiel de SHIP est incontestable, comme le reconnaissent les trois organisations: «Dans le meilleur des cas, lorsque la caisse d’assurance-maladie et le médecin de famille communiquent via SHIP, la charge administrative est nettement réduite», explique Petra Messerli, responsable du service clientèle chez Spitex Stadt Luzern. Il est difficile de donner des chiffres concrets, admet Samuel Sieber. Il ose néanmoins une estimation: «Rien que pour la déclaration des besoins, SHIP devrait permettre de gagner au moins 5 à 10 minutes.» Pour que SHIP puisse prendre son essor et alléger la charge administrative des organisations d’aide et de soins à domicile, la participation des médecins de famille et des assureurs-maladie est indispensable. Sur ce point, les perspectives sont encourageantes, bien que certaines caisses développent des produits concurrents. «Actuellement, Helsana et Concordia participent à SHIP, ce qui correspond à une part de marché de 22%. D’autres assureurs-maladie devraient les rejoindre prochainement. D’ici fin 2026, nous comptons atteindre une part de marché d’environ 60%», déclare Michael Stutz, responsable SHIP chez SASIS SA. En attendant, le plein potentiel de SHIP ne pourra pas encore être exploité. SASIS SA en tient compte avec un modèle tarifaire basé sur la couverture du marché auprès des assureurs.

Dans le meilleur des cas, lorsque la caisse d’assurance maladie et le médecin de famille communiquent via SHIP, la charge administrative est nettement réduite.
Petra Messerli
Spitex Stadt Luzern
La numérisation demande de la patience – et des partenaires
Les expériences du transfert de données automatisé via SHIP montrent à quel point il peut être long d’instaurer une norme numérique dans le système de santé. Ne rien faire n’est toutefois pas une option, estime Michael Stutz: «Il faut bien commencer un jour avant de convaincre progressivement d’autres acteurs. Et il faut des partenaires passionnés, comme ceux que nous avons dans la branche de l’aide et des soins à domicile, qui s’engagent pour la numérisation.»
Michael Stutz espère que SHIP prendra bientôt un tel élan qu’il deviendra incontournable. La demande pour un transfert automatisé et numérique des données est bien là: Spitex Chur, Spitex Ostermundigen et d’autres organisations ont déjà décidé de participer à SHIP. Par ailleurs, Nexus, le troisième plus grand fournisseur de logiciels pour les organisations d’aide et de soins à domicile, prévoit d’intégrer SHIP à son produit Nexus/Spitex. Les bases de l’échange automatisé de données dans le système de santé sont ainsi posées. Il faut désormais faire preuve de détermination et rassembler les bons partenaires pour transformer cette vision en réalité.
Les coordonnées de SHIP sont les suivantes:
ship-services@sasis.ch / Tél. 032 625 42 40