«Les assureurs sont les premiers défenseurs de leurs assurés»

Interview: Eva Zwahlen

MAGAZINE ASD: Nouvelle association de branche des assureurs-maladie, prio.swiss est opérationnelle depuis début 2025. Comment se sont passés les débuts?
Felix Gutzwiller: Nous avons démarré sur les chapeaux de roues. L’organisation a été mise sur pied à une vitesse record. La décision de lancer prio.swiss a été prise en juin 2024. Six mois plus tard, en décembre, nous signions déjà une première déclaration commune avec la FMH concernant les forfaits d’urgence, afin de garantir des soins d’urgence pendant les fêtes de fin d’année – bien que prio.swiss n’ait officiellement commencé ses activités qu’au début janvier 2025.

Vous assurez la présidence pendant une période de transition. Qu’est-ce qui vous a motivé à accompagner l’association dans sa phase initiale?
Je suis convaincu que les assureurs-maladie jouent un rôle essentiel dans notre système de santé. Au Parlement déjà, je pensais qu’ils devaient s’exprimer d’une seule voix. Lorsque l’on m’a sollicité, j’ai donc immédiatement été intéressé. Les assureurs pourront à l’avenir mieux se faire entendre d’une voix unie et mieux contribuer à façonner et à améliorer le système de santé. C’est une bonne nouvelle pour tout le monde. Car dans les faits, les assureurs sont les premiers défenseurs de leurs assurés ainsi que des payeurs et payeuses de primes. Ils doivent sans cesse trouver un équilibre entre deux pôles: d’une part, une prise en charge de qualité (du point de vue de leurs assurés, qui bénéficient de prestations de santé en tant que patientes et patients) et, d’autre part, une gestion durable et financièrement solide du système de santé (du point de vue des payeurs de prime). En tant que médecin et homme politique de longue date, je disposais des outils nécessaires pour apporter ma pierre à l’édifice.

prio.swiss assume de nombreuses tâches politiques, notamment l’élaboration des structures tarifaires et la participation à la gestion des soins de santé. Par quoi allez-vous commencer?
Les tâches sont en effet très variées. Nous avons récemment obtenu un grand succès en matière de prix des médicaments, en nous engageant pour l’introduction de rabais de quantité sur les médicaments générant un fort chiffre d’affaires. Concrètement, cela signifie que dès qu’un médicament dépasse un seuil de ventes annuel (par exemple 20 millions de francs), son prix est automatiquement baissé. Nous pourrons ainsi économiser jusqu’à 400 millions de francs par an tout en maintenant la qualité pour les patientes et les patients. Par ailleurs, nous sommes en train de négocier les structures tarifaires pour la physiothérapie et la psychologie thérapeutique. Là encore, il s’agit de trouver le bon équilibre entre qualité de la prise en charge et coûts maîtrisés. A moyen et long terme, nous accompagnerons de près les grandes réformes du système de santé, afin qu’elles soient mises en œuvre dans l’intérêt des assurés et des payeuses et payeurs de primes. Cela concerne notamment le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS) ou encore l’introduction du nouveau tarif médical en 2026.

A propos de Felix Gutzwiller
Le Prof. émérite Dr méd. Felix Gutzwiller, ancien conseiller national et ancien conseiller aux Etats PLR, est né en 1948 à Bâle et a étudié la médecine à l’Université de Bâle. Son engage­ment dans le cadre d’un projet de santé de l’OMS, alors qu’il était étudiant à Sumatra, l’a durablement marqué et impressionné. Par la suite, il s’est consacré aux domaines de la santé publique et de la prévention et a no­tamment dirigé les instituts de médecine sociale et préventive des universités de Lausanne et Zurich. Depuis de nombreuses années, il s’engage bénévolement pour diverses organisations de santé et ligues de santé. 

→ www.felix-gutzwiller.ch

Du point de vue des assureurs-maladie, où se situe le plus grand besoin d’action dans le système de santé?
Un chantier vraiment important et de longue haleine est certainement la planification hospitalière. Nous avons bon espoir que les conditions-cadres puissent être adaptées de manière à mettre en place une véritable planification intercantonale: quand les cantons sont tenus de coordonner l’attribution de leurs mandats aux hôpitaux au sein de régions sanitaires supracantonales, cela permet d’éviter les doublons coûteux et de garantir la qualité de l’offre de soins. Le Parlement débat actuellement d’une motion en ce sens. ¹

Les prestataires de soins, dont l’Aide et soins à domicile, expriment de nombreuses attentes vis-à-vis de la nouvelle association. L’une d’entre elles est que les assureurs-maladie présentent à nouveau un front uni sous prio.swiss et parlent d’une seule voix. Comment allez-vous y parvenir?
Nous voulons développer parmi nos membres une culture du consensus et une méthode de travail collégiale. Nos statuts sont conçus de manière à favoriser les décisions prises à une large majorité et à éviter la formation de blocs. Et si une minorité devait subsister, elle serait tenue de soutenir la décision majoritaire.

Quelles sont vos attentes envers Aide et soins à domicile Suisse?
L’intégration des soins dans le financement uniforme à partir de 2032 donnera un rôle central à Aide et soins à domicile Suisse. Dans la future organisation tarifaire commune, il faudra développer avec les partenaires tarifaires un système tarifaire solide permettant de financer efficacement les prestations ambulatoires et stationnaires des services d’aide et de soins à domicile et des EMS. Cela nécessite une transparence totale des coûts, basée sur des données comparables et uniformes.

Les assureurs doivent trouver un équilibre entre une prise en charge de qualité et un financement
durable du système de santé.

Prof. émérite Dr méd. Felix Gutzwiller

Président prio.swiss

Que faut-il, du point de vue de prio.swiss, pour qu’EFAS soit bien mis en œuvre dans le domaine des soins?
Un système transparent, capable de refléter les besoins en soins de manière adaptée tout en restant économique. Pour cela, il faut non seulement un financement uniforme et un système tarifaire durable, comme mentionné plus haut, mais aussi une bonne interaction entre les services d’aide et de soins à domicile et les EMS. 

Vous êtes médecin en prévention et expert en santé publique passionné. Selon vous, quelle place doit avoir la prévention dans notre système de santé?
La prévention est importante. Les assureurs y participent activement et innovent dans ce domaine (applications, programmes de points bonus, offres numériques, messages de prévention, contribution aux abonnements de fitness, etc.). En outre, la contribution générale à la prévention génère chaque année 50 millions de francs, qui reviennent à Promotion Santé Suisse.

Nouvelle faîtière des assureurs-maladie: prio.swiss
prio.swiss représente, avec ses membres, 90 % des assurés en Suisse. Son nom reflète sa priorité: défendre, dans le débat politique et sociétal, un système de santé suisse de qualité et financièrement durable, centré sur les intérêts des assurés. prio.swiss coordonne les intérêts et les positions politiques de ses membres dans le domaine de l’assurance-maladie obligatoire, et les représente dans le processus ­politique auprès des autorités et des autres acteurs du système de santé. L’association élabore des bases dans les domaines de la politique de santé, des soins médicaux, des structures tarifaires, de la mesure de la qualité, des données de santé et des standards de la branche. 

→ www.prio.swiss

Les services d’aide et de soins à domicile soignent leurs clientes et clients chez eux et obtiennent ainsi un aperçu précieux de leurs conditions d’habitation et de vie. Quel rôle l’Aide et soins à domicile peut-elle jouer en matière de prévention et de promotion de la santé?
Je pense que l’Aide et soins à domicile peut apporter une contribution essentielle à la prévention et à la promotion de la santé. Les professionnels de l’aide et des soins à domicile ont chaque jour un regard direct sur les conditions de vie et l’environnement social de leurs clientes et clients. Cela leur permet d’identifier précocement des risques pour la santé et de proposer ou de transmettre des mesures de prévention ciblées.

Quelles sont vos expériences personnelles avec l’Aide et soins à domicile?
Mes expériences ont été très bonnes. Grâce à l’aide et aux soins à domicile, ma mère a pu rester à la maison plus longtemps.

1. Lors de la session de printemps 2025, le Conseil des Etats a adopté la motion en tant que première chambre à se prononcer sur le sujet. ↩︎