«L’Aide et soins à domicile agit de multiples façons à titre préventif»
Le fait que les projets de prévention de l’Aide et soins à domicile (ASD) soient souvent confrontés à des problèmes de financement n’entrave pas totalement le travail préventif de l’ASD: grâce aux soins et au soutien réguliers apportés à ses clientes et à ses clients, l’ASD contribue à la prévention de diverses maladies. C’est la conviction de Petra Weber, responsable des services de soins et membre de la direction de Spitex Uri.
INTERVIEW: KATHRIN MORF
Magazine ASD:La prévention dans le domaine des soins (PDS) est souvent insuffisamment financée (voir article «Renforcer la prévention: un défi commun»). Est-ce pour cela que Spitex Uri n’est pas active sur le plan de la prévention?
Petra Weber: La prévention ne figure pas dans l’Ordonnance sur les prestations de soins (OPAS), ce qui en fait un terme généralement mal accueilli par les assureurs. Spitex Uri ne propose pas d’offres explicitement préventives. La prévention fait toutefois partie intégrante de bon nombre de nos prestations quotidiennes: avec nos soins et notre soutien, nous nous engageons activement à prévenir la détérioration de l’état de santé de nos clientes et clients et à promouvoir leur autonomie. Nous contribuons ainsi de manière importante à la prévention de nombreuses pathologies et nous pouvons souvent retarder, voire empêcher, leur admission dans un établissement médico-social.

Examinons comment l’Aide et soins à domicile (ASD) pratique au quotidien la prévention primaire, secondaire ou tertiaire selon la définition de la Confédération1. La présence régulière du personnel de l’ASD peut-elle déjà être considérée comme une forme de prévention secondaire, puisqu’elle permet de détecter les maladies à un stade précoce?
Absolument. Nos équipes des soins et de l’économie domestique observent nos 350 à 400 clientes et clients sous un angle large et identifient rapidement des maladies ou des comportements problématiques, tels que la démence, la malnutrition, les risques de chute ou les troubles liés à la dépendance. Cette détection précoce favorise des interventions rapides, ce qui aide à prévenir ou au moins à stabiliser l’évolution de nombreuses pathologies. Par exemple, notre service de repas frais constitue une bonne mesure préventive contre la malnutrition. Nos employés sont aussi en contact avec les proches et peuvent les orienter vers les offres de Spitex Uri ou d’autres organisations afin de les soulager avant que ces derniers, fortement sollicités, ne tombent eux-mêmes malades.
Le centre de jour de Spitex Uri accueille durant la journée des personnes âgées souffrant de troubles cognitifs ou physiques. Une telle structure apporte-t-elle un soutien aux proches?
Ce centre soulage effectivement beaucoup les proches. C’est aussi l’occasion pour les clientes et clients de tisser des liens et de structurer leur journée, ce qui diminue les conséquences de la solitude et de l’isolement social.
L’ASD n’a pas besoin de réinventer la roue lorsque d’autres organisations de la région pratiquent déjà une bonne prévention.
Petra Weber
Membre de la direction de Spitex Uri
La solitude augmente le risque d’hypertension, de dépression ou de démence, et réduit même l’espérance de vie. 2 La présence régulière de l’ASD peut-elle contribuer à prévenir ces effets?
L’ASD est rémunérée pour des prestations efficaces en termes de temps. Il reste donc peu de marge pour de longs échanges, en particulier dans les soins, mais une conversation personnelle peut avoir lieu pendant la prestation de soins proprement dite. La présence de l’ASD peut certes avoir un effet préventif face aux conséquences non négligeables de la solitude et de l’isolement social, mais d’autres mesures sont souvent nécessaires. Nous pouvons alors orienter les clientes et clients vers les offres d’autres organisations.
Le Magazine ASD a déjà souligné que les prestations d’économie domestique de l’ASD ne se limitent pas «seulement» au nettoyage et au rangement. Relèvent-elles aussi de la prévention?
Certainement. L’ASD peut aider ses clientes et clients à gérer tout ou une partie de leur ménage eux-mêmes. Pour les personnes atteintes de démence, cela constitue un entraînement cognitif; pour celles souffrant de troubles psychiques, c’est une préparation à une vie autonome à domicile. Des activités comme le ménage et le rangement ont également un effet préventif, car un logement propre réduit considérablement le risque d’infections ou de maladies pulmonaires. Et lorsque nos équipes de l’économie domestique font des courses ou cuisinent pour leurs clients, elles contribuent activement à prévenir la dénutrition.
Passons maintenant aux prestations OPAS-A, c’est-à-dire l’évaluation, le conseil et la coordination. Ces prestations devraient également avoir un effet préventif, n’est-ce pas?
C’est exact. Notre évaluation des besoins pour tous les nouveaux clients et clientes comprend toujours une anamnèse des risques de chute, puis nous essayons de réduire ces risques autant que possible (cf. article sur la prévention des chutes).
Le conseil comprend-il également la promotion des compétences en santé de vos clientes et clients?
L’ASD est effectivement très active dans ce domaine au quotidien. Nos équipes apportent des conseils dès qu’elles identifient un besoin, sur des thèmes comme l’hygiène, les habitudes de consommation de boissons ou l’isolement social. La décision finale concernant leur santé revient toutefois toujours aux clientes et clients.
Les prestations B, soit les soins thérapeutiques, peuvent-elles être considérées comme relevant en grande partie de la prévention tertiaire? Après tout, celle-ci est définie comme le traitement des personnes malades, notamment afin d’éviter la chronicisation et les séquelles.
Tout à fait. Par exemple, une bonne gestion des plaies permet de prévenir les infections et une bonne gestion des médicaments empêche la chronicisation et les maladies secondaires. Nos soins psychiatriques ont aussi un effet préventif, notamment lorsque nos infirmiers en psychiatrie accompagnent une personne après sa sortie de clinique, réduisant ainsi le risque de rechute.
Outre des aspects de prévention tertiaire, les prestations C (soins de base) peuvent-elles comprendre des éléments de prévention secondaire, comme l’intervention précoce en cas de risque de maladie?
Il existe beaucoup d’exemples: des soins réguliers des pieds pour les personnes diabétiques préviennent certaines complications auxquelles elles sont particulièrement vulnérables. De même, la toilette et les soins bucco-dentaires ont un effet préventif important, car le relâchement fréquent des règles d’hygiène chez les personnes âgées augmente le risque d’infections ou entraîne un état cutané malsain, pouvant entraîner diverses maladies, voire des lésions organiques.
Vous avez mentionné plusieurs fois «d’autres organisations». Cela signifie-t-il que l’ASD peut aussi renforcer la prévention dans le secteur
de la santé en faisant «simplement» office d’intermédiaire pour d’autres prestataires?
C’est exact. Dans le canton d’Uri, Pro Senectute Uri, Promotion santé Uri et la Croix-Rouge Uri, entre autres, proposent de nombreuses offres préventives – comme des possibilités de participation sociale ou un bouton d’appel d’urgence qui prévient les traumatismes liés à l’immobilisation après une chute. L’ASD n’a donc pas besoin de réinventer la roue lorsque d’autres organisations de la région pratiquent déjà une bonne prévention. Nous pouvons aussi coopérer avec des professionnels de la prévention, comme des conseillères en diététique ou des travailleurs sociaux, et nous concentrer ainsi sur nos prestations de base, ce qui est particulièrement important en cette période de pénurie de personnel qualifié.
Imaginons, pour conclure, que Spitex Uri dispose du personnel et de l’argent nécessaires: dans quels domaines de prévention votre organisation aimerait-elle être plus active?
Dans la lutte contre la solitude croissante et l’isolement social, je souhaiterais un financement des services d’accompagnement à visée préventive 3 pour toutes les personnes concernées. Actuellement, Spitex Uri n’offre pas de tels services. Cela pourrait changer grâce à un nouveau modèle de financement durable et applicable au quotidien, comme celui prévu par les prestations complémentaires (PC) 4. Il serait aussi souhaitable que Spitex Uri puisse, à l’avenir, porter un regard encore plus global sur la santé des individus, en particulier des personnes âgées. Je tiens toutefois à souligner encore une fois que Spitex Uri, comme de nombreuses autres organisations d’aide et de soins à domicile, contribue déjà largement à la prévention – ce dont je suis fière.
A propos de Petra Weber
Petra Weber, 58 ans, est infirmière puéricultrice de formation, titre qui correspond aujourd’hui à celui d’infirmière ES. Elle est titulaire d’un MAS en «Management dans le domaine social et de la santé» et occupe depuis 25 ans des postes de direction dans le secteur de la santé. Depuis six ans et demi, elle est responsable des services centraux et des domaines spécialisés de Spitex Uri, ainsi que membre de la direction.
- La prévention primaire intervient avant le développement des maladies, la prévention secondaire est axée sur la détection et l’intervention précoces, tandis que la prévention tertiaire vise à prévenir les complications, la chronicisation et les séquelles chez les personnes déjà malades. Voir par exemple la brochure «Prévention dans le domaine des soins (PDS)» de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP, 2021) et l’article. ↩︎
- Voir www.prosenectute.ch/fr/infos/quotidien-loisirs/solitude.html ↩︎
- La Fondation Paul Schiller a publié en novembre 2025 le rapport «L’effet préventif d’un bon accompagnement des personnes âgées», rédigé par le Prof. Dr Martin Hafen. Celui-ci montre qu’un accompagnement de qualité agit contre la solitude et la perte de compétences, tout en soulageant les proches:
www.gutaltern.ch/publikationen/studien/die-praventive-wirkung-guter-betreuung-im-alter (en allemand) ↩︎ - La Confédération souhaite mieux financer les prestations
d’accompagnement et a modifié en juin 2025 la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC). Les bénéficiaires de
PC ont désormais notamment droit au remboursement des coûts liés aux services d’accompagnement et de transport. Le délai référendaire a expiré le 9 octobre 2025. Voir aussi:
www.spitexmagazin.ch/fr/article/renforcer-le-logement-protege ↩︎