Entre sceptre et démocratie: un travail politique de longue haleine
Rétrospective politique de l’année par Patrick Imhof, responsable politique et membre de la direction d’ASD Suisse.
Imaginez qu’Aide et soins à domicile Suisse (ASD Suisse) détienne en 2025 le pouvoir politique absolu – que n’aurions-nous pas déjà accompli! Nous aurions mis en œuvre la deuxième étape de l’initiative sur les soins infirmiers. Nous aurions introduit des règles nationales contraignantes pour l’emploi des proches aidants et résolu le patchwork de réglementations très diverses dans les cantons et les communes. Nous aurions trouvé des solutions pour les soins palliatifs. Et ce n’est pas tout.
Peut-être que dans une
démocratie, il n’est pas nécessaire d’avoir un sceptre pour faire bouger les choses.
Patrick Imhof
Membre de la direction d’ASD Suisse
Stop – retour à la réalité!
Heureusement, nous vivons dans une démocratie qui fonctionne. Nos fantasmes de toute-puissance peuvent être mis de côté – avec tous les avantages et inconvénients que cela comporte. Cela signifie que nous pouvons faire valoir nos intérêts et que nous sommes entendus à Berne. Mais cela veut aussi dire que nous ne pouvons guère accélérer les processus établis, ou seulement de façon indirecte: en proposant des solutions et en étant prêts à les développer ensemble. ASD Suisse souhaite être perçue comme une partenaire compétente et orientée vers les solutions, prise au sérieux dans le débat politique.
En 2025, la mise en œuvre de l’initiative sur les soins infirmiers a été au centre de la politique nationale. En novembre 2021, le peuple et les cantons ont clairement exprimé leur volonté de renforcer les soins infirmiers. La mise en œuvre rapide de la première étape a permis de poser un jalon important. La deuxième étape a été soumise en mai au Parlement.
Notre conclusion: il faut corriger le tir – et de manière conséquente. Pour que les mesures prévues puissent être mises en œuvre, il est indispensable de financer dès le départ les coûts supplémentaires qu’elles engendreront. Les soins doivent être renforcés – mais sans financement, cela reste une belle promesse vide de sens. Les nouvelles mesures ne doivent pas non plus entraîner un besoin accru en personnel: en période de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, cela augmenterait encore la pression sur les employés et mettrait en péril la fourniture des soins.
Ce préalable étant posé, ASD Suisse est prête à soutenir des mesures dans le cadre d’une nouvelle loi, mais la question centrale est de savoir ce que le Parlement est prêt à dépenser pour cela. Les discussions au sein de la commission compétente du Conseil national montrent que la question de la prise en charge des coûts est bien comprise. En même temps, de nombreuses questions se posent quant à l’efficacité, la rapidité, la portée et le coût des mesures. Ces débats nous accompagneront encore en 2026.
L’emploi des proches aidants continue de nous occuper. Depuis 2020, ASD Suisse attire l’attention des autorités et des acteurs sur cette évolution et plaide pour un développement réfléchi de cet engagement précieux. Au début, le sujet a été sous-estimé, mais il a rapidement été repris par les médias avant de parvenir jusqu’au Palais fédéral: depuis 2023, 20 interventions ont été enregistrées dans la base de données des objets parlementaires. En octobre, le Conseil fédéral a adopté un rapport très attendu, fondé notamment sur une enquête menée auprès des organisations d’aide et de soins à domicile.
Le rapport révèle que le nombre de proches aidants employés a été multiplié par neuf entre 2022 et 2024. Plus de 90% d’entre eux ne travaillent pas au sein d’organisations d’aide et de soins à domicile traditionnelles, mais dans des structures dont le modèle économique repose principalement sur l’emploi de proches. Le taux d’activité moyen de ces emplois se situe entre 20 et 25%. Les coûts salariaux s’élèvent en moyenne à 39 francs de l’heure, tandis que les revenus par heure de soins atteignent 80 francs. Le Conseil fédéral estime que cette tendance va se poursuivre. Il reconnaît que cette pratique soulève des questions juridiques et qualitatives complexes, mais ne voit pas la nécessité d’adapter fondamentalement la législation fédérale. Il considère que les instruments dont disposent les acteurs concernés sont en principe suffisants. En conséquence, il formule une série de recommandations sur les mesures pouvant être entreprises.
ASD Suisse estime qu’il s’agit là d’une occasion manquée. Cela signifie une incertitude persistante pour les clientes et clients, les proches employés, mais aussi pour les organisations d’aide et de soins à domicile. Une réglementation nationale permettrait de résoudre de nombreuses questions en suspens concernant la définition des proches aidants, la garantie de la qualité, ainsi qu’un financement et des conditions de travail équitables. La commission compétente du Conseil des Etats s’est également exprimée clairement à la fin du mois de novembre: elle critique le rapport du Conseil fédéral et estime qu’une réglementation est nécessaire. ASD Suisse et les milieux politiques continueront à s’engager sur ce dossier – aussi en 2026.
Les soins palliatifs présentent en Suisse des lacunes: en matière d’approvisionnement et de financement. Le Conseil fédéral aborde ce sujet dans son rapport de juin 2025. Là encore, il conclut qu’il n’y a guère lieu d’agir au niveau fédéral. En revanche, il met les cantons et les acteurs des soins palliatifs face à leurs responsabilités: c’est à eux qu’il appartient d’apporter les améliorations nécessaires. Un motif d’espoir: le Conseil fédéral charge le Département fédéral de l’intérieur de mettre en œuvre une augmentation de la contribution AOS pour les prestations de soins fournies dans le cadre des soins palliatifs spécialisés.
Le Parlement est d’un autre avis jusqu’à présent: après la commission du Conseil national, la commission sœur du Conseil des Etats a également donné suite à une initiative parlementaire. Cela montre que les responsables politiques en charge de la santé s’accordent sur le fait que les soins palliatifs doivent être mieux ancrés au niveau national. Ces travaux sont en cours au sein d’une sous-commission, et ASD Suisse continuera à apporter son soutien dans le cadre de l’Alliance Palliative Care.
Alors, que révèle notre – certes très succincte – rétrospective de l’année? Du point de vue de l’autocrate mentionné en introduction: «Rien ne va, j’aurais déjà agi depuis longtemps avec mon sceptre magistral.» Du point de vue du démocrate: «Le processus est lent, mais il avance. Nous sommes entendus, pris en considération, et nous obtenons des résultats.»
Peut-être que dans une démocratie, il n’est pas nécessaire d’avoir un sceptre pour faire bouger les choses – mais de l’endurance, de la persévérance et de bons arguments. Et c’est précisément sur ces bases que nous travaillons.