Zurich s’attaque au financement de la prise en charge
Le canton de Zurich ne veut pas attendre une solution nationale pour le financement des prestations de prise en charge des personnes âgées - et a mis en consultation un projet cantonal sur le sujet. L'Association cantonale zurichoise d'aide et de soins à domicile salue ce projet pionnier.
KATHRIN MORF. Toutes les personnes qui dépendent des prestations complémentaires (PC) à l’AVS doivent pouvoir vivre de manière autonome et indépendante chez elles grâce à des prestations de prise en charge financées par l’Etat. L’Office cantonal des affaires sociales de Zurich souhaite y veiller et a élaboré le projet « Modification de l’ordonnance sur les prestations supplémentaires (OPS) – Renforcement de la prise en charge des personnes âgées en dehors des établissements médico-sociaux (EMS) pour les personnes bénéficiant de prestations complémentaires à l’AVS ». Le nom s’explique par le fait que les PC s’appellent « prestations supplémentaires » (PS) dans le canton de Zurich. La Direction cantonale de la sécurité dont fait partie le service social, a mis le projet en consultation de fin février à fin avril 2023. Comme l’explique le rapport BASS [1] correspondant, les prestations de prise en charge ambulatoire doivent à l’avenir être financées pour tous les bénéficiaires des PS en dehors des EMS – et pas seulement pour les habitantes et les habitants d’un « logement protégé ». Le canton de Zurich commence ainsi à mettre en œuvre ce qu’Aide et soins à domicile Suisse et d’autres associations de fournisseurs de prestations demandent depuis des
années : Que les pouvoirs publics veillent à la couverture des besoins de prise en charge des personnes âgées, en particulier dans le cadre des soins ambulatoires et indépendamment du type de logement (cf. Magazine Aide et soins à domicile 6/2020, 1/2022). Cela doit permettre de lutter contre des problèmes croissants comme la solitude des personnes âgées et les entrées précoces en EMS.
Dans les explications de la Direction de la sécurité concernant la révision de l’ordonnance, il est précisé que le nouvel instrument pour le financement de la prise en charge est également créé afin d’être prêt pour la nouvelle loi nationale sur le logement protégé. Il s’agit ici de la motion 18.3716, déposée en 2018 par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-CN). Cette motion, adoptée par le Conseil national et le Conseil des États, demande que le financement du logement protégé soit assuré par les PC. En février 2022, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a déclaré que la consultation pour un nouveau projet de loi pourrait commencer à l’été 2022 (voir Magazine Aide et soins à domicile 1/2022). « Le sujet est complexe et le travail sur la loi n’a pas pu progresser au rythme souhaité. Le projet a donc dû être reporté à plusieurs reprises », explique l’OFAS sur demande. « Le projet devrait toutefois être mis en consultation prochainement. » L’OFAS ne peut pas encore répondre à la question de savoir si les prestations de prise en charge seront prises en compte dans ce cadre, indépendamment du type de logement.
Ce que contient le projet et ce qu’en pense l’Aide et soins à domicile
Le projet de révision zurichois comprend d’une part l’extension de la liste des moyens auxiliaires. Par exemple, les systèmes d’appel d’urgence seront désormais financés pour les bénéficiaires de PS. D’autre part, l’ordonnance sur les prestations supplémentaires (OPS) doit être adaptée – plus précisément les frais de maladie et d’invalidité, car ceux-ci relèvent de la compétence du canton. L’Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile s’est également exprimée sur cette modification de l’OPS dans le cadre de la procédure de consultation. « Comme nous nous sommes mis en réseau au sein de l’association via la plateforme Beekeeper, les organisations membres ont également pu s’exprimer sur le projet. Nous avons pris en compte leurs remarques dans notre réponse à la consultation », explique la directrice Claudia Schade-Meier. Cette réponse précise tout d’abord que l’Aide et soins à domicile salue la démarche du canton. « Le canton de Zurich est ainsi le premier en Suisse à mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire ce que les spécialistes recommandent depuis longtemps et qui constitue un complément idéal aux prestations de soins », écrit l’Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile. Elle prend ensuite position sur les différentes mesures que comprend la modification de l’OPS :
- Le catalogue des prestations de prise en charge à rembourser est élargi : jusqu’à présent, dans le canton de Zurich, la loi sur les soins et l’ordonnance sur les soins définissaient quelles prestations non soignantes étaient financées par l’Aide et soins à domicile dans la mesure où les personnes concernées et leur environnement social ne pouvaient pas les assumer eux-mêmes. Parmi ces prestations de gestion du quotidien figuraient par exemple la préparation des repas ainsi que le nettoyage hebdomadaire. Le projet du service social élargit ce catalogue : L’OPS doit désormais fixer le principe selon lequel « l’aide et la prise en charge à domicile »[2] sont financées pour les bénéficiaires de prestations supplémentaires à l’AVS. Plus précisément, il s’agit :
- Des frais de soutien à la gestion du ménage, à la prise en charge psychosociale et d’accompagnement à domicile ou pour se rendre à des rendez-vous ainsi qu’en promenade à l’extérieur du domicile dans le but de maintenir la mobilité, le contact avec le monde extérieur et de prévenir l’immobilité, l’isolement social et les crises psychiques
- Des coûts des services de relève
- Des frais supplémentaires pour les services de repas et frais supplémentaires pour la nourriture des repas de midi
- Des frais de conseil, d’évaluation et de coordination des prestations
- Des frais de transport vers des établissements proposant une aide, des soins et une prise en charge dans un foyer de jour ou de nuit, un hôpital de jour ou un service ambulatoire.
L’Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile est d’accord avec ce nouveau catalogue de prestations et ne propose donc que de petites optimisations – notamment, que les prestations financées des services de relève soient définies plus clairement.
- Le cercle des fournisseurs de prestations est élargi : les communes devront à l’avenir désigner les organisations qui peuvent facturer un tarif horaire plus élevé pour les prestations de prise en charge, notamment les organisations à but non lucratif d’aide aux personnes âgées. Cela contribue à la participation des communes à la définition de la qualité, écrit la Direction de la sécurité. L’Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile salue cette extension, mais exige des normes de qualité pour tous les prestataires. « Si les prestations sont payées avec l’argent des contribuables, tous les prestataires doivent disposer d’une certaine formation, formation continue ou expérience. En outre, leurs prestations doivent répondre à certaines exigences de qualité », demande Claudia Schade-Meier.
- Les tarifs horaires sont augmentés : Les collaboratrices et les collaborateurs des organisations d’aide et de soins à domicile ou les particuliers autorisés à fournir des prestations de prise en charge recevront 50 francs par heure, comme auparavant. Les organisations désignées par les communes reçoivent 40 francs au lieu de 25. Les particuliers qui ne vivent pas dans le même ménage ou les collaboratrices et collaborateurs d’une organisation non désignée par la commune reçoivent désormais 34 francs au lieu de 25. L’Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile critique le fait que, selon la nouvelle ordonnance, les organisations privées d’aide et de soins à domicile reçoivent automatiquement le même taux que les organisations d’aide et de soins à domicile avec contrat de prestations. « Les organisations d’aide et de soins à domicile mandatées par les communes doivent respecter différentes prestations de réserve et normes minimales », fait remarquer Claudia Schade-Meier. C’est pourquoi il faudrait examiner si les organisations privées d’aide et de soins à domicile doivent justifier leurs coûts réels pour la fourniture de prestations de prise en charge – et obtenir sur cette base un taux qui ne dépasse pas 50 francs.
- Les communes veillent à l’information et à l’évaluation des besoins : à l’avenir, les communes devront veiller à ce que leurs habitantes et leurs habitants ayant droit aux nouvelles prestations de prise en charge soient bien informés et conseillés. En outre, les communes doivent s’assurer que les besoins en matière de prise en charge sont déterminés. En d’autres termes, que le type et l’étendue des prestations de prise en charge soient exécutés conformément aux principes de nécessité, d’adéquation et de proportionnalité. En effet, si l’on répondait plutôt aux besoins de prise en charge, les coûts de prise en charge par l’État exploseraient. Le canton part du principe que les communes développent différentes solutions adaptées à leur situation de départ pour l’évaluation des besoins. Selon le rapport BASS, l’évaluation devrait idéalement être effectuée par un organisme neutre et non par un fournisseur de prestations de prise en charge – même si les communes, à l’exception de la ville de Zurich, ne disposent pas actuellement de services et d’instruments pour cette évaluation.
L’ Association d’aide et de soins à domicile du canton de Zurich prend position de manière détaillée sur l’évaluation des besoins. Claudia Schade-Meier conteste l’affirmation selon laquelle l’Aide et soins à domicile ne peut pas être un organisme neutre d’évaluation des besoins et de fourniture de prestations. « Les organisations d’aide et de soins à domicile ayant un mandat de prestations ont toujours à l’esprit la rentabilité de toutes les prestations pour leurs communes. Elles l’ont prouvé dans leur évaluation des besoins jusqu’à présent. Par exemple, elles ne s’engagent pas elles-mêmes si une organisation bénévole peut tout aussi bien fournir une prestation de prise en charge », explique-t-elle. Un service supplémentaire pour l’évaluation des besoins de prise en charge entraînerait en outre une charge administrative inutile – et constituerait un obstacle supplémentaire pour les personnes concernées et leurs proches. « Par ailleurs, les instruments d’évaluation de l’Aide et soins à domicile peuvent être complétés sans trop de difficultés par les nouvelles prestations de prise en charge. L’Aide et soins à domicile pourrait ainsi veiller à ce que les besoins de prise en charge soient évalués dans tout le canton selon des critères uniformes et aussi objectifs que possible. Comme l’exige l’égalité des droits », ajoute la directrice. Pour toutes ces raisons, l’Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile plaide pour que les organisations d’aide et de soins à domicile expérimentées ayant un mandat de prestations se chargent également de l’évaluation des besoins et de la gestion des cas pour les nouvelles prestations de prise en charge.
L’Aide et soins à domicile pourrait ainsi veiller à ce que les besoins de prise en charge soient évalués dans tout le canton selon des
critères uniformes et aussi
objectifs que possible.
Claudia Schade-Meier
Association cantonale zurichoise d’aide et de soins à domicile; directrice
Les coûts et l’effet de réduction des coûts
Le canton de Zurich verse aux communes une participation aux coûts de 70% de la partie imputable des prestations supplémentaires. Les communes et le canton supportent donc les coûts consécutifs au projet. Le rapport BASS estime à environ 5200 le nombre de personnes qui pourraient à l’avenir prétendre à un cofinancement des prestations de prise en charge par le biais des frais de maladie et d’invalidité. Il en résulterait des coûts supplémentaires compris entre 2 et 11,8 millions de francs par an, en fonction du recours à la nouvelle offre et de l’épuisement des montants maximaux. Les communes et le canton bénéficieront également toutefois des économies attendues de la nouvelle réglementation. En effet, selon le canton, les « entrées évitables en institution, coûteuses et peu judicieuses sur le plan économique » peuvent être réduites grâce à l’amélioration du soutien à domicile. Le rapport BASS estime que le potentiel d’économies se situe entre 3,7 et 34,8 millions de francs par an, selon le nombre d’entrées en institution qui peuvent être évitées pour un niveau de soins de 0 à 3.
Claudia Schade-Meier fait remarquer que la nouvelle réglementation entraînera également diverses charges supplémentaires pour les fournisseurs de prestations. « Toutes ces charges supplémentaires doivent être financées de manière appropriée », demande-t-elle. Aujourd’hui, l’Aide et soins à domicile doit par exemple encore souvent se battre pour obtenir le financement des prestations de coordination.
Une éventuelle extension et une mise en œuvre rapide
Dans ses explications, le canton de Zurich souligne qu’il est particulièrement urgent d’améliorer le financement de la prise en charge pour les bénéficiaires de PS dans le secteur ambulatoire. Dans sa prise de position, la Fondation Paul Schiller explique néanmoins qu’elle préférerait une solution plus large (www.gutaltern.ch). En effet, un financement optimal de la prise en charge devrait par exemple inclure les personnes n’ayant pas droit aux PS ou aux PC. « Il serait juste qu’à l’avenir, l’État finance au moins une partie des prestations de prise en charge pour les personnes n’ayant pas droit aux prestations complémentaires à l’AVS », affirme Claudia Schade-Meier.
La Direction de la sécurité zurichoise n’est pas en mesure de répondre à des questions sur ce sujet car les avis sur le projet sont en cours d’évaluation. Il est prévu que le rapport de consultation et la décision du Conseil d’Etat soient disponibles à l’été 2023. Jusqu’à présent, le canton a annoncé la mise en œuvre du projet pour le 1er janvier 2024. « Le calendrier est ambitieux et l’Aide et soins à domicile ainsi que les communes espèrent obtenir le plus rapidement possible davantage d’informations sur la mise en œuvre », déclare Claudia Schade-Meier. En raison du manque de temps, elle estime qu’il serait préférable que l’Aide et soins à domicile se charge de l’évaluation de l’ensemble des besoins en matière de prestations. Enfin, la directrice explique qu’elle espère que la proposition zurichoise aura un effet de signal. « D’une part, cela aidera peut-être la Confédération pour son projet de loi national si elle peut bientôt observer comment le financement de la prise en charge fonctionne dans le canton de Zurich », dit-elle, « d’autre part, il serait bien que d’autres cantons n’attendent pas une éventuelle solution nationale et suivent bientôt l’exemple de Zurich. Car le fait que les personnes âgées puissent s’offrir une prise en charge adaptée à leurs besoins ne devrait pas dépendre du canton dans lequel elles vivent. »
Mise à jour du 23/06/2023 : Lors de sa séance du 21 juin 2023, le Conseil fédéral a mis en consultation, jusqu’au 23 octobre 2023, une modification de la loi sur les prestations complémentaires. Plus d’informations : Reconnaître les logements protégés dans les prestations complémentaires à l’AVS (admin.ch)
Les documents zurichois relatifs à la révision de l’ordonnance peuvent être consultés sur www.zh.ch/de/politik-staat/gesetze-beschluesse/vernehmlassungen.html (“Zusatzleistungsverordnung” à saisir dans le moteur de recherche; seulement en allemand). Le « Magazine Aide et soins à domicile » rendra compte de l’évolution de la situation.
[1] Rapport BASS « Financement des prestations de prise en charge en dehors des EMS pour les personnes âgées ayant droit aux PS » ; rapport final commandé par l’Office cantonal des affaires sociales de Zurich ; 16 décembre 2021 (seulement en allemand)
[2] Dans l’OPS adaptée, l’aide et la prise en charge sont également réglés dans les foyers et hôpitaux de jour, les services ambulatoires et, désormais, les foyers de nuit. Nous nous concentrerons toutefois ici sur l’assistance à domicile.