Toujours plus de cas complexes pour l’ASD

Depuis longtemps, on entend et lit souvent que la complexité des cas dans l’Aide et soins à domicile (ASD) augmente, notamment en raison de «l’ambulantisation». En introduction au thème «L’Aide et soins à domicile et la complexité», deux expertes abordent une étude sur le thème de la complexité, les raisons de la complexité croissante et ses conséquences pour l’ASD.

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La mobilité réduite est liée à une intensité élevée des prestations de soins à domicile, comme le montre l’«étude sur la complexité». Ici, l’experte en soins Fabienne Bühlmann de Spitex Regio Liestal s’occupe de Marlise Grauwiler.
Photo thématique: Natalie Melina Photographie

KATHRIN MORF. L’entretien avec Claudia Aufdereggen et Flurina Meier porte sur cinq questions centrales relatives au thème «L’Aide et soins à domicile et la complexité». Claudia Aufdereggen est directrice du service d’aide et de soins à domicile Spitex Regio Liestal, membre du comité d’Aide et soins à domicile Suisse – et membre du comité de pilotage de «l’étude sur la complexité». Aide et soins à domicile Suisse a commandé cette étude à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW); les résultats ont été présentés à la faîtière en février 2024. Le projet a été dirigé par Flurina Meier, chercheuse en services de santé et directrice adjointe du service de recherche sur les services de santé à l’Institut d’économie de la santé de Winterthour (WIG).

La complexité est définie, selon le dictionnaire, comme «la multiplicité/l’enchevêtrement de nombreuses caractéristiques». Les synonymes de «complexe» sont, entre autres, «compliqué» et «difficile». Depuis de nombreuses années, on parle de l’augmentation de la complexité des cas dans le contexte de l’Aide et soins à domicile (ASD). Selon Claudia Aufdereggen et Flurina Meier, les facteurs qui favorisent cette évolution sont les suivants:

  • «L’ambulatoire avant le stationnaire»: Depuis de nombreuses années, le virage ambulatoire est ­encouragé et soutenu dans le secteur de la santé – notamment parce que les traitements ambulatoires sont généralement moins chers. Ainsi, les patientes et les patients sortent plus tôt de l’hôpital et entrent plus tard en institution. Selon Flurina Meier et Claudia Aufdereggen, il s’agit là d’un facteur central de la complexité croissante dans l’ASD. 
  • Evolution démographique / augmentation des ­maladies: «Le vieillissement de la société est également un facteur. De plus en plus de personnes sont très âgées, ce qui s’accompagne d’une forte ­augmentation des cas d’ASD avec multimorbidité et polymédication», explique Claudia Aufdereggen. L’Office fédéral de la statistique (OFS) confirme l’augmentation du nombre de personnes âgées ayant des problèmes de santé, ainsi que l’augmentation générale des maladies psychiques 1.
  • Progrès dans le domaine de la santé: Des progrès en médecine, la technique médicale et la numérisation permettent de plus en plus de répondre au souhait des personnes malades ou atteintes d’un handicap de tous âges d’être traitées à domicile.
  • Les soins intégrés: Les cas d’ASD impliquent de plus en plus de professionnels de la santé différents.
  • Pression sur les soins: «Dans les soins, la pénurie de personnel qualifié et la pression financière augmentent», indique Flurina Meier. «Lorsque des postes ne peuvent pas être pourvus, en particulier, les employés peuvent être pressés par le temps, ce qui rend leur travail quotidien plus complexe de leur point de vue.»

«Cela fait 30 ans que j’entends dire que la proportion des cas complexes augmente au sein de l’ASD, ce que je ressens aussi comme tel. Nous devons désormais objectiver cette perception subjective en mesurant la complexité afin de pouvoir la prouver», estime Claudia Aufdereggen. Et c’est là qu’intervient l’étude sur la complexité.

L’«étude sur la complexité» porte en réalité sur «l’intensité des prestations de soins de clientes et de clients de l’ASD et leur représentation dans le modèle de complexité» (voir encadré). Dans le contexte de l’augmentation du nombre de cas complexes et des difficultés de remboursement face aux clientes et clients à forte intensité de prestations, Aide et soins à domicile Suisse a voulu savoir quels clients et clientes complexes étaient également à forte intensité de prestations. «Pour l’étude, nous avons d’abord dû définir la notion de ‹complexité›, en nous concentrant uniquement sur les aspects pertinents pour la rémunération actuelle», rapporte Flurina Meier. Il a aussi fallu définir l’intensité des prestations de soins. Les chercheurs ont donc focalisé leur attention sur l’intensité des prestations selon l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS) dans son ensemble et sur les prestations A (évaluation, conseil et coordination) en particulier. «En effet, nos ateliers avec des professionnels de l’ASD ont révélé que les cas impliquant des prestations OPAS élevées en général, ainsi que ceux impliquant des prestations A élevées en particulier, sont particulièrement susceptibles de rencontrer des problèmes de remboursement par les caisses-maladie», explique-t-elle.

Facteurs liés à l’intensité de la prestation
Nous expliquons ici quelques résultats sélectionnés de l’étude principale: plusieurs des 72 facteurs de complexité étudiés sont liés à une intensité de prestations élevée et présentent un écart important par rapport au groupe de référence. Les facteurs suivants ont montré un lien avec une intensité élevée des prestations OPAS (à partir de 1000 min / mois), à une intensité élevée des prestations A (à partir de 70 min / mois) ou à une intensité élevée des prestations OPAS et A dans une même mesure:

  • Toutes les limitations AVQ 2 (Prestations A: seule la «mobilité réduite au lit» est également valable pour les prestations A)
  • Limitations AIVQ 3: préparer les repas, utiliser les escaliers et téléphoner
  • Acquisition de médicaments (plutôt) difficile
  • Prestations de soins techniques (plutôt) difficiles
  • Diagnostic de démence
  • Mobilité réduite
  • Incontinence urinaire
  • Incontinence intestinale
  • Fatigue
  • Troubles du comportement
  • Organisation de l’administration des médicaments (plutôt) difficile 
  • Syndrome confusionnel
  • Situations de soins palliatifs
  • Changements importants dans les AIVQ au cours des 90 derniers jours
  • Changements importants dans les AVQ au cours des 90 derniers jours
  • Etat de santé à géométrie variable
  • Proches aidants surchargés
  • Conflits entre le client/la cliente et ses proches
  • Implication de trois professionnels (ou plus)

A cela s’ajoutent sans doute des facteurs de complexité qui étaient trop rares parmi les 1035 clientes et clients étudiés pour pouvoir tirer des conclusions précises. Il s’agit notamment des conflits entre l’ASD et le réseau de soutien professionnel ou les proches aidants. «Ces facteurs devraient être examinés plus précisément dans le cadre d’une étude spécifique», dit Flurina Meier.

L’instabilité s’est avérée être l’un des principaux facteurs de l’intensité des prestations de soins.

FLURINA MEIER

Responsable de l’étude sur la complexité à la Haute école des sciences appliquées de Zurich

Examen plus approfondi de certaines corrélations
«Sur la base des résultats de l’étude, il n’est pas possible de dire si un facteur influence l’intensité des prestations ou l’inverse», précise Flurina Meier. Il est néanmoins possible de tirer les conclusions suivantes:

  • Instabilité: Tous les facteurs d’instabilité étudiés étaient liés à une intensité élevée des prestations OPAS en général et des prestations A en particulier. Il s’agit notamment de l’apparition de nouveaux ­diagnostics, de nouvelles restrictions ou de nouveaux symptômes au cours des 90 derniers jours. «L’instabilité s’est avérée être l’un des principaux facteurs de l’intensité des prestations», confirme Flurina Meier. Cela correspond à la réalité, ajoute Claudia Aufdereggen: «Les cas jugés particulièrement complexes sont ceux où l’état de santé voire la médication des clientes et des clients changent constamment.»
  • Proches surchargés: «L’étude a montré que les proches aidants sont plus souvent surchargés dans les cas nécessitant des prestations intensives et que, dans ces cas, les conflits entre proches et clientes/ clients sont plus fréquents», explique Flurina Meier.
  • Soins intégrés: Dans les cas où trois professionnels ou plus sont impliqués, les prestations OPAS sont plus élevées. Ceci pourrait expliquer pourquoi les soins intégrés sont considérés comme la cause de la complexité croissante dans le quotidien de l’ASD.
  • Gestion des médicaments: L’étude montre que la difficulté à se procurer ou à administrer des médicaments est liée à l’intensité des prestations. «La gestion des médicaments est un défi permanent», confirme Claudia Aufdereggen. «Cela s’explique par des problèmes systémiques qui n’ont pas été examinés dans l’étude: l’absence de partage numérique des listes de médicaments et des ordonnances entre les hôpitaux, les médecins de famille et l’ASD entraîne au sein de ce triangle d’importantes pertes d’efficacité, des risques pour la qualité et des erreurs.»
  • Soins palliatifs: Les prestations A ont été nettement plus nombreuses dans les cas de delirium, de fatigue et de soins palliatifs. «Les situations de fin de vie sont souvent complexes et peuvent nécessiter l’intervention de personnel spécialisé. C’est pourquoi ce résultat n’est pas surprenant», explique Claudia Aufdereggen. Elle ajoute qu’il en va de même pour les clientes et les clients présentant un delirium – un état confusionnel aigu fréquent en cas de ­démence – ou une fatigue, un état d’épuisement extraordinaire fréquent en cas de cancer.
  • Troubles du comportement: L’étude montre que les clientes et clients présentant des troubles du comportement reçoivent nettement plus de prestations. «Les troubles du comportement ont souvent été ­désignés comme un facteur de complexité lors des ateliers», rapporte Flurina Meier. Il se pourrait que les maladies psychiques soient également un facteur; celles-ci n’ont toutefois été prises en compte que de manière limitée dans l’étude. «Il serait intéressant de réaliser une étude de suivi sur la base des données d’interRAI-CMHSuisse, l’instrument d’éva­luation pour les clientes et clients ayant un diagnostic psychiatrique. Une étude de suivi sur la complexité des soins pédiatriques à domicile serait également souhaitable», déclare Claudia Aufdereggen.

Dans le cadre de l’étude, d’autres questions ont été examinées, dont voici quelques résultats:

  • Interactions: L’étude a montré que certaines combinaisons de deux facteurs de complexité provoquent des interactions. «Par exemple, si un patient a des proches surchargés et que ses symptômes sont instables, l’intensité des prestations de l’ASD augmente de manière plus importante que ce que la somme de l’intensité des prestations des facteurs individuels ne le laisse supposer», explique Flurina Meier. Une étude de suivi serait également passionnante.
  • Fréquence: Les chercheurs ont aussi déterminé la fréquence des facteurs de complexité impliquant une intensité de prestations élevée. Il s’est avéré que des limitations dans les AVQ et AIVQ ainsi que des facteurs d’instabilité étaient particulièrement fréquents.
  • Facteurs sans lien avec l’intensité des prestations: 13 facteurs de complexité sur 72 ne sont pas liés à l’intensité des prestations. «J’ai été surprise de constater que le facteur ‹conditions de logement inadaptées› ne l’était pas. Cela montre à quel point les employés de l’ASD font preuve de flexibilité voire parfois de créativité face aux ménages et aux conditions de logement les plus divers», explique Claudia Aufdereggen. Flurina Meier a notamment été étonnée de constater que l’IMC des clientes et clients n’avait pas d’incidence sur l’intensité des prestations. «Cela s’explique peut-être par le fait que les employés de l’ASD estiment que la prise en charge des clientes et clients en surpoids est certes pénible et parfois complexe, mais que cela ne se répercute pas sur l’intensité des prestations», réfléchit-elle.

«Etude sur la complexité»: méthode

Menée en allemand, l’étude «Intensité des prestations de soins de clientes et de clients de l’Aide et soins à domicile (ASD) et leur représentation dans le modèle de complexité» (aussi appelée «étude sur la complexité») a été commandée par Aide et soins à domicile Suisse à l’Institut d’économie de la santé de Winterthour (WIG) de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). Au printemps 2021, lors de l’étude préliminaire, 72 facteurs de complexité concernant les clientes et clients ou leur environnement ont été définis à l’aide d’ateliers avec des professionnels de l’ASD et représentés dans un modèle de complexité (voir Magazine ASD 5/2023). L’étude principale, une étude d’observation longitudinale mul­ticentrique, a suivi. Huit organisations d’ASD de trois régions linguistiques y ont participé. Les résultats s’appuient sur l’évaluation des données de 1035 clientes et clients. Les données utilisées sont issues de l’instrument d’évaluation interRAI-HCSuisse, d’un questionnaire additionnel ainsi que de données administratives sur les minutes de soins effectuées et le nombre d’interventions par jour.

→ www.zhaw.ch/de/forschung/forschungsdaten­-
bank/projektdetail/projektid/3393

«Les facteurs de complexité étudiés étaient importants pour notre questionnement sur l’intensité des prestations et la rémunération, mais ils ne couvrent pas la complexité dans toute son ampleur», fait remarquer Flurina Meier. «L’étude doit être considérée comme un bon point de départ pour l’approche de la définition de la complexité dans les soins à domicile», ajoute Claudia Aufder­eggen. «Il faut par exemple tenir compte du fait qu’un cas avec une forte intensité de prestations n’est pas complexe en soi. Et qu’un cas qui n’est pas à forte intensité de prestations peut être évalué comme complexe.»

L’étude n’a pas pris en compte l’évaluation subjective de la complexité. «Cette évaluation peut notamment dépendre du niveau de formation, de l’expérience professionnelle et de la routine des employés de l’ASD», explique Flurina Meier. D’autres études ont en outre montré que les patientes et patients et leurs proches évaluent souvent autrement la complexité d’un cas que le personnel soignant.

Les facteurs organisationnels – tels que les arrêts de travail de courte durée pour cause de maladie ou le personnel insuffisamment qualifié – n’ont pas non plus été pris en compte. «Ceci parce que les contributions OPAS actuelles s’orientent en premier lieu sur la situation initiale des clientes et des clients et, éventuellement, sur leur environnement. Or, dans l’esprit des professionnels des soins, les thèmes organisationnels sont étroitement liés à leur compréhension de la complexité», explique Flurina Meier. Ce que confirme Claudia Aufdereggen: «S’il existe des problèmes d’organisation, les employés de l’ASD perçoivent beaucoup plus rapidement leur travail quotidien comme complexe.» 

Les cas complexes nécessitent parfois deux collaboratrices: Fabienne Bühlmann, experte en soins (à g.) et Barbara Wassmer, de Spitex Regio Liestal, s’occupent de Marlise Grauwiler. Photo thématique: Natalie Melina Photographie

«Aucune autre étude suisse n’a jusqu’à présent examiné les facteurs liés à une intensité élevée de prestations dans les soins ambulatoires», indique Flurina Meier. «L’étude représente donc une avancée pour pouvoir objectiver la perception subjective de la complexité relative à l’ASD sur la base de données», se félicite Claudia Aufdereggen. Les résultats pourraient notamment être utilisés comme suit:

4.1 Prouver la complexité et l’augmentation de la complexité
«Grâce aux facteurs de complexité, l’ASD peut désormais expliquer une intensité de prestations élevée aux assureurs ou aux pouvoirs publics», explique Claudia Aufder­eggen. «De plus, l’étude constitue une base qui permettrait de prouver l’évolution de l’intensité des prestations», ajoute Flurina Meier. On pourrait comparer la fréquence des facteurs de complexité à plusieurs moments de mesure – et montrer ainsi comment les facteurs de complexité évoluent au fil du temps. Si les clientes et clients complexes et à forte intensité de prestations se multiplient, cela donne des indications sur les raisons pour lesquelles l’intensité des prestations et donc les coûts des organisations d’ASD ou de la branche augmentent. La preuve d’une évolution serait aussi possible de manière rétroactive, sur la base des données du pool de données HomeCareData (HCD) d’Aide et soins à domicile Suisse, qui repose sur les instruments interRAI. «Pour notre étude, nous voulions examiner de façon très détaillée des domaines tels que l’instabilité et nous avons donc mesuré certains facteurs de complexité à l’aide d’un questionnaire additionnel. Les données interRAI ne sont pas aussi détaillées, mais elles sont suffisantes pour ­tirer des conclusions sur la plupart des facteurs liés à l’intensité des prestations», assure Flurina Meier.

4.2 S’opposer à la limite des 60 heures
Dans la loi suisse, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les soins à domicile sont soumis à la présomption selon laquelle on estime qu’il ne faut pas plus de 60 heures de soins par trimestre 4. «Ce seuil artificiel implique un effort considérable, car les caisses-maladie exigent que l’ASD explique les raisons d’un dépassement de la limite. Ce surcroît de travail administratif plane comme une épée de Damoclès au-dessus de tous les cas à forte intensité de prestation», critique Claudia Aufdereggen. «Notre étude montre que nombre de clientes et clients de l’ASD dépassent aujourd’hui déjà ce seuil de 60 heures: la limite a été dépassée dans 21% des cas», ajoute Flurina Meier. Grâce aux facteurs de complexité, ces dépassements peuvent désormais être expliqués sur la base de données. «Si l’on veut simplifier les soins ambulatoires en Suisse, cet écueil devrait être revu à la hausse.»

4.3 Justifier la nécessité de prestations A sur la base de données
Il n’existe pas de limite légale pour les prestations A – à l’exception de la limite générale de 60 heures. «Pourtant, les assureurs les réduisent sans raison. Nous pouvons nous y opposer à l’aide de l’étude», explique Claudia Aufdereggen. «L’OFSP a établi que les prestations A doivent être utilisées en particulier pour les soins palliatifs ainsi que pour les situations de soins instables et complexes et les efforts de coordination», ajoute Flurina Meier. «Notre étude montre que c’est exactement ce que fait l’ASD.»

4.4 Avancer avec la mise en œuvre d’EFAS
«L’étude est l’une des différentes bases importantes pour la mise en œuvre du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS), dans lequel les soins seront intégrés», explique Claudia Aufdereggen. En effet: le Parlement exige que les soins disposent aussi de tarifs reposant sur une base de coûts et de données uniforme et transparente. L’ASD travaille déjà à l’harmonisation de ses données sur les coûts (voir Magazine ASD 5/2023). Mais ces données sur les coûts devraient désormais être aussi liées à des données cliniques. «Notre étude donne de bonnes indications sur les facteurs de complexité qui devraient être utilisés à cet égard», précise Flurina Meier. Claudia Aufdereggen fait remarquer que les organisations d’ASD sans obligation de prise en charge devraient également à l’avenir mettre à disposition les données nécessaires – après tout, les tarifs EFAS devront être calculés pour l’ensemble de la branche.

4.5 Détecter les lacunes de financement
«A l’aide des données financières de l’ASD, il est désormais possible de déterminer les facteurs de complexité qui entraînent le plus souvent des lacunes de financement. Autrement dit, quels cas à forte intensité de prestations conduisent à des coûts élevés pour l’ASD non couverts par les assurances», explique Flurina Meier. Cette base de données serait nécessaire si des tarifs couvrant les coûts étaient élaborés pour le financement futur.

Selon la littérature spécialisée, l’augmentation de la complexité au sein de l’ASD devrait se poursuivre – actuellement, elle est notamment favorisée par le transfert des cas de soins aigus vers le milieu ambulatoire (voir article patient at home). Les conséquences possibles de la complexité croissante pour l’ASD peuvent être les suivantes:

  • Davantage de soins intégrés: Selon le Forum suisse des soins intégrés (fmc), la gestion des cas complexes nécessite de plus en plus une collaboration étroite avec d’autres fournisseurs de prestations (voir encadré). Selon Claudia Aufdereggen, il importe pour cela de développer et d’optimiser les moyens numériques de communication et d’échange d’informations entre les prestataires.
  • Davantage de prestations: «L’étude sur la complexité montre que de nombreux facteurs de complexité sont liés à une forte intensité de prestations. Les prestations de l’ASD n’augmentent donc pas seulement en raison d’un nombre toujours plus important de clientes et de clients. Et pour ces prestations toujours plus nombreuses, l’ASD a ­besoin de ressources en personnel suffisantes», indique Claudia Aufdereggen.

Plus de complexité exige plus d’expertise en matière de soins dans la combinaison des compétences et des niveaux de l’ASD.

CLAUDIA AUFDEREGGEN

Membre du comité d’ASD Suisse, directrice de Spitex Regio Liestal

  • Davantage d’expertise en soins infirmiers: Claudia Aufdereggen est convaincue que «plus de complexité au sein de l’ASD exige plus d’expertise en matière de soins dans la combinaison des compétences et des niveaux». Pour maîtriser les cas complexes, il faut autant de professionnels des soins ES/HES que d’infirmières et d’infirmiers de pratique avancée ayant au moins une formation de niveau master (voir article APN). De plus, chaque organisation d’ASD a de plus en plus besoin de connaissances spécialisées pour des cas complexes spécifiques, notamment en matière de soins psychiatriques, de soins aux personnes atteintes de démence et de soins palliatifs.
  • Coûts plus élevés – contributions plus élevées: «Le système de financement actuel, fortement obsolète, ne répond plus à la complexité croissante et aux exigences accrues de l’ASD», souligne Claudia Aufdereggen. «Les contributions des caisses-maladie selon l’OPAS n’ont pas été réhaussées ­depuis 2011. Elles n’ont par exemple pas été adaptées à l’inflation ni aux salaires en hausse des ­professionnels des soins – également de plus en plus spécialisés», dit Flurina Meier.

«L’ASD contribue de manière essentielle à ce que le transfert vers le secteur ambulatoire, exigé de tous et en permanence, puisse être poursuivi», conclut Claudia Aufdereggen. «Cela accroît la complexité de ses cas. Il est donc nécessaire que la politique garantisse un financement adéquat des prestations de l’ASD pour faire face à cette complexité.»

Le système de financement actuel ne répond pas à la complexité croissante.

CLAUDIA AUFDEREGGEN

ASD Suisse / Spitex Regio Liestal

Les soins intégrés: une solution face à la complexité

Selon Oliver Strehle, directeur du Forum suisse des soins intégrés (fmc), les soins intégrés peuvent tout à fait engendrer de la complexité – mais ils constituent aussi une solution importante pour faire face aux cas plus complexes. «Les soins intégrés sont nécessaires là où les patientes et les patients sont confrontés à des défis multiples et variés et ont donc besoin de prestations de soutien les plus diverses dans les domaines de la santé et du social», explique-t-il. Pour que les soins intégrés fonctionnent, les aspects suivants sont essentiels:

Planification et communication: «Les soins intégrés ne fonctionnent que s’ils sont bien planifiés et discutés. Un hôpital doit par exemple s’assurer que les fournisseurs de prestations en aval sont bien informés», explique-t-il. Il est important à cet égard que les soins intégrés se déroulent «tout au long du parcours de traitement et de prise en charge».

Prise en charge holistique et centrée sur le client: «Une bonne prise en charge intégrée considère la personne concernée dans sa globalité, selon une perspective biopsychosociale, et prend en compte ses besoins et capacités individuels», ajoute Oliver Strehle. Il est recommandé de «considérer la maladie et la santé comme des interactions complexes, dynamiques et uniques entre différentes composantes du système global, et d’orienter les mesures de prise en charge en fonction des besoins du patient.»

Conditions-cadres: «Nous nous trouvons dans une situation qui ne favorise pas la collaboration interorganisationnelle», critique-t-il. Pour y remédier, il faut, entre autres, «des tarifs à jour et adaptés aux spécialités et aux prestations pour tous les prestataires de services». Car la structure tarifaire actuelle qui est obsolète demande beaucoup d’énergie aux fournisseurs de prestations et ne facilite pas les soins intégrés.

Mindset et confiance: «Les soins intégrés sont un ‹people-business›. Cela signifie que de bonnes conditions-cadres ne servent à rien si les différents professionnels de la santé ne veulent pas se connaître et échanger», dit-il. «Un point est surtout central pour le bon fonction­nement de la collaboration: le développement d’une culture commune de la confiance.»

→ www.fmc.ch

  1. Voir Enquête suisse sur la santé 2022. ↩︎
  2. AVQ: activités de la vie quotidienne.  ↩︎
  3. AIVQ: activités instrumentales de la vie quotidienne. ↩︎
  4. Voir le rapport de l’OFSP «Rémunération des prestations dans le cadre des soins coordonnés», 2018. ↩︎

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