
Partenariat d’égal à égal
A première vue, les positions de l’Aide et soins à domicile et des assureurs-maladie ne pourraient pas être plus divergentes. Des compromis ainsi qu’une entente partenariale sont pourtant possibles. C'est ce que montrent Sigrid Rhyner de Spitex Zurich et Beat Zurfluh de ÖKK.

EVA ZWAHLEN. La base légale de la collaboration entre les assureurs-maladie et les fournisseurs de prestations, c’est-à-dire les organisations d’aide et de soins à domicile, repose sur la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), en particulier, sur l’ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS; art. 7 à 9). Sur la base de ces dispositions légales, Aide et soins à domicile Suisse a négocié des conventions administratives avec les associations d’assureurs-maladie (→ www.spitex.ch/Bases-et-developpement/Conventions), dans lesquelles les processus entre les assureurs et les organisations d’aide et de soins à domicile sont définis en détail. 1 A quoi ressemble le quotidien des organisations d’aide et de soins à domicile et des assureurs-maladie dans ce champ parfois complexe? Quels défis doivent relever, d’un côté, les employés de l’Aide et soins à domicile et, de l’autre, les contrôleurs et contrôleuses de soins? Et quel est le secret d’une collaboration efficace et constructive? Nous avons cherché des éléments de réponse.
Personne de contact pour toutes les questions d’assurance
Les chiffres sont impressionnants: plus de 10 000 clientes et clients sont pris en charge chaque année par Spitex Zürich. La facturation correcte des prestations, le traitement du grand nombre de factures ainsi que les échanges avec les diverses parties impliquées représentent donc un travail important. Chez Spitex Zürich, toutes ces tâches sont assurées par Sigrid Rhyner et trois membres de son équipe. Assistante médicale (MPA) et infirmière diplômée ES, Sigrid Rhyner travaille pour l’organisation d’aide et de soins à domicile depuis 2007. D’abord collaboratrice terrain, elle est, depuis 2020, responsable caisses-maladie et assurances sociales. Forte de plus de 20 ans d’expérience dans les soins à domicile, elle a aussi œuvré pour les soins infirmiers communaux du canton de Glaris. Dans sa fonction actuelle, elle entretient un contact régulier et étroit avec les assureurs-maladie. Quels sont les sujets ou demandes qui l’occupent le plus souvent? «La plupart des questions sont liées à notre collaboration avec les proches aidants, avec les soins à domicile privés ou avec une institution stationnaire», explique Sigrid Rhyner. Les missions de nuit (voir Magazine ASD 6/2024) ou la prise en charge des coûts lorsque deux employés interviennent en même temps suscitent aussi fréquemment des demandes de clarification.

Assureurs et prestataires de
services doivent travailler main dans la main. Nous sommes des
partenaires commerciaux et contractuels.
Sigrid Rhyner
Responsable assurances sociales chez Spitex Zürich
Le meilleur refus est celui qui n’a pas lieu
Les tâches de la responsable de 59 ans sont variées: elle se tient à la disposition de ses collègues de travail, mais aussi des clientes et des clients, des offices d’assurances sociales ou des services de l’AI en cas de réclamations ou de questions relatives aux assurances-maladie ou sociales. Elle traite également les garanties de prise en charge des coûts, remplit les formulaires d’allocation pour impotent, rédige des demandes de réexamen ou clarifie les prises en charge des coûts. Parmi ses missions principales figure le traitement des refus de factures et de prestations: «Une raison fréquente de refus est l’absence de prescription médicale. Il peut aussi s’agir de dépassements des durées autorisées. Par exemple, si une prestation dépasse chaque jour de cinq minutes le temps prescrit, cela représente un excédent de plus de deux heures par mois.» Sigrid Rhyner souligne aussi l’importance de rédiger des rapports de suivi clairs et pertinents, notamment en cas de chute, de soins de plaie imprévus ou de prestations supplémentaires en lien avec la gestion des médicaments. Son travail devient délicat lorsque les assureurs ne paient qu’une partie des factures, voire les refusent entièrement. Pour éviter les refus, elle recommande donc aux collaboratrices et collaborateurs responsables de cas de vérifier au milieu et à la fin de chaque mois combien de temps a été utilisé et ce qu’il reste jusqu’à la fin de la période couverte par la prescription médicale. Par ailleurs, selon elle, tous les employés de l’aide et des soins à domicile devraient être formés au contenu du catalogue des prestations, à la rédaction des rapports de suivi ainsi qu’aux principes de facturation. En procédant à des contrôles réguliers du temps et des prestations saisies, il est possible d’anticiper les écarts. Car, comme le résume Sigrid Rhyner: «Le meilleur refus est celui qui n’a pas lieu.»

Cela vaut la peine de chercher des solutions communes et de cultiver un dialogue ouvert.
BEAT ZURFLUH
Contrôleur de soins chez ÖKK
Agir au lieu de réagir
Il va de soi que les organisations d’aide et de soins à domicile et les assureurs-maladie ne sont pas toujours du même avis en matière de facturation des prestations. Parmi les exemples typiques du catalogue des prestations qui peuvent donner lieu à des discussions, Sigrid Rhyner cite l’aide à l’alimentation, à l’hydratation ou à la mobilité et les exercices de motricité. Que faut-il garder à l’esprit pour entretenir de bonnes relations avec les assureurs-maladie? Pour la responsable des assurances sociales, c’est clair: «Il faut rester centré sur le sujet, discuter avec respect, écouter. Il est très important de bien connaître les bases légales, d’avoir une expertise solide et de chercher ensemble des solutions réalistes.» Sigrid Rhyner estime qu’il est préférable d’adopter une approche proactive plutôt que d’attendre et de simplement réagir. En particulier dans les situations de soins évolutives avec des besoins accrus – par exemple en cas de troubles cognitifs progressifs, de situations de fin de vie ou de chutes entraînant temporairement un dépassement des durées prescrites – il est essentiel d’informer les assureurs-maladie de manière anticipée. Après tout, les conventions administratives stipulent une obligation d’information de la part des organisations d’aide et de soins à domicile: «En assumant cette responsabilité, on peut instaurer une relation de confiance», affirme-t-elle sur la base de son expérience.
Dans le but d’entretenir une collaboration constructive entre les différents acteurs, Spitex Zürich organise chaque année une rencontre avec les assureurs-maladie consacrée aux questions d’actualité ou récurrentes, suivie d’un apéritif convivial. Sigrid Rhyner est convaincue que les meilleurs échanges se font en face à face. En fin de compte, l’assurance-maladie reste une assurance sociale fondée sur un principe de solidarité, et ce sont les clientes et clients — leurs soins, leur traitement, leur accompagnement — qui doivent être au centre des préoccupations: «Pour y parvenir, assureurs et prestataires doivent travailler main dans la main. Nous sommes des partenaires commerciaux et contractuels.»
ÖKK – un assureur-maladie au bénéfice d’une longue tradition
L’assureur-maladie ÖKK, dont le siège est situé à Landquart (GR), compte 192 700 clientes et clients privés et 12 800 entreprises clientes. La fondation ÖKK Graubünden a été créée en 1993. Un an plus tard, 42 petites caisses-maladie grisonnes se regroupaient pour former ÖKK. Environ 460 personnes travaillent chez ÖKK. Près de 50 % de la population grisonne est assurée auprès de ÖKK, ce qui inclut un grand nombre de clientes et clients des services d’aide et de soins à domicile.
→ www.oekk.ch
Se connaître personnellement favorise la compréhension mutuelle
Pour Beat Zurfluh, il vaut la peine de chercher ensemble des solutions et des compromis, et de cultiver un dialogue ouvert. Cet infirmier diplômé ES et ambulancier ES de 63 ans travaille depuis 2015 comme contrôleur des soins chez ÖKK (voir encadré) à Landquart (GR). Avec son équipe, il contrôle notamment les ordonnances dans le domaine des soins ambulatoires et, de façon aléatoire, les facturations des prestataires de services, leurs autorisations ou les qualifications de leur personnel. Il est aussi un interlocuteur clé, tant en interne – pour le service du médecin-conseil, le service juridique ou les employés de l’agence – qu’en externe, pour les organisations d’aide et de soins à domicile, les EMS, les assurés ou les assurances sociales. Quels sont les sujets et les préoccupations qui reviennent le plus souvent dans ses échanges avec les organisations d’aide et de soins à domicile du canton des Grisons? «Une question fréquente est celle de savoir comment une prestation peut être facturée, comment interpréter un codage, ou quelle disposition légale s’applique. Nous discutons régulièrement de ces points, que ce soit de manière individuelle avec les différentes organisations ou lors de rencontres communes.»
Un tel échange est crucial, souligne Beat Zurfluh, d’autant que les bases légales évoluent constamment et que de nouvelles tendances apparaissent. Il s’agit aussi de mieux se connaître personnellement et de comprendre les réalités professionnelles de chacun pour renforcer la compréhension mutuelle. Sa longue expérience comme infirmier l’y aide beaucoup: avant de rejoindre ÖKK, il a travaillé, entre autres, en traumatologie et aux urgences interdisciplinaires de l’hôpital cantonal de Baden, auprès du service sanitaire de l’aéroport de Zurich, et il a également été coresponsable des soins dans un EMS.
Les conseils de Sigrid Rhyner pour collaborer avec les assureurs
- Travailler de manière proactive
- Quantifier et soigner en fonction des besoins
- Former tous les employés au catalogue des prestations, au type de prestations et à leur facturation ainsi qu’aux rapports de suivi
- Créer des lettres types et des modèles pour les réexamens des décisions concernant les demandes de prises en charge des coûts
- Bien préparer les discussions et recourir aux échanges numériques pour les cas complexes (réunions Teams au lieu du téléphone)
- Prévoir suffisamment de temps et rédiger un procès-verbal
- Désigner une personne formée dans l’organisation comme interlocutrice pour ces tâches
- Supprimer les blocages vis-à-vis des
- assureurs-maladie et prendre contact avec eux en cas de questions techniques
- Organiser des visites sur le terrain (avec
- l’accord du client ou de la cliente)
Une collaboration solide et équilibrée
En tant qu’infirmier diplômé et contrôleur de soins expérimenté, Beat Zurfluh rencontre aussi des moments délicats dans la collaboration avec les organisations d’aide et de soins à domicile. D’après son expérience, les tensions surgissent souvent là où les bases légales manquent de clarté ou sont formulées de manière floue: «Cela arrive malheureusement très souvent dans le cadre du financement des soins. Il s’agit le plus souvent d’interprétations divergentes des textes légaux», explique-t-il. Un «classique»: la distinction entre prestations de soins et prestations d’accompagnement. Des discussions récurrentes apparaissent notamment dans le domaine des soins psychiatriques, car les articles correspondants de l’OPAS sont, selon lui, rédigés de manière imprécise. Pour autant, Beat Zurfluh déclare: «Je pense que, avec un peu de bonne volonté et d’esprit de compromis, toutes les divergences peuvent être surmontées.» Mais au-delà de sa fonction professionnelle, Beat Zurfluh a-t-il un lien personnel ou familial avec l’Aide et soins à domicile? Au cours de sa vie, il a croisé la route de l’Aide et soins à domicile à trois reprises, raconte-t-il. «Mon père a été pendant plusieurs années président d’une organisation d’aide et de soins à domicile dans mon canton de domicile. Son engagement m’a beaucoup impressionné lorsque j’étais adolescent.» Deuxième rencontre avec l’Aide et soins à domicile: lors de sa formation d’infirmier en soins généraux, il a pu choisir un stage de son choix en deuxième année. «J’ai opté pour un stage dans une organisation d’aide et de soins à domicile.» Et la troisième fois? C’était en 1992: «Je venais de rentrer d’Australie quand une organisation d’aide et de soins à domicile de mon canton m’a proposé un poste pendant cinq mois. J’ai accepté – et j’ai passé cinq mois comme collaborateur des soins à domicile, une expérience qui m’a beaucoup plu.»
Un regard sur le travail quotidien de Sigrid Rhyner et Beat Zurfluh montre qu’à la fin de la journée, ce sont les points communs, le contact personnel et la compréhension mutuelle qui permettent de créer une collaboration solide et équilibrée et de résoudre les conflits de manière constructive.