La qualité enligne de mire de l’ASD et de la politique
Le Conseil fédéral exige actuellement une amélioration de la qualité dans le secteur de la santé. Cer article sur le thème central «La qualité assure la sécurité» fait le point sur le développement de la qualité au niveau national.
KATHRIN MORF. Selon le Conseil fédéral, la qualité des processus, des structures et des résultats dans le secteur de la santé est essentielle pour la sécurité, la santé et la satisfaction de la population. Le manuel de qualité d’Aide et soins à domicile (ASD) Suisse, publié en 2022 dans une version entièrement révisée, montre comment les organisations d’ASD peuvent réussir leur gestion de la qualité (voir Magazine ASD 4/2021;
www.aide-soins-domicile-manuel-qualite.ch). Le Parlement a toutefois décidé que la qualité devait être améliorée dans l’ensemble du système de santé – en particulier parce que les incidents indésirables tels que les infections et les erreurs de médication sont à l’origine de nombreuses souffrances et de coûts élevés. Il a donc examiné à la loupe, il y a quatre ans, les prescriptions existantes en matière de qualité. L’ASD doit satisfaire à ces prescriptions au niveau cantonal et en partie au niveau communal, le plus souvent dans le cadre de l’autorisation d’exploitation et de la convention de prestations. En de nombreux endroits, l’ASD doit en outre se conformer aux exigences de qualité inscrites dans les lois cantonales sur la santé.
Pendant ce temps, le Parlement a modifié les prescriptions nationales et donc prépondérantes en matière de qualité, en particulier l’article 58 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). L’«article qualité» 58a révisé est entré en vigueur le 1er avril 2021, tout comme la modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal, en particulier l’art.77). La loi stipule désormais que la Confédération doit formuler une stratégie de qualité et des objectifs quadriennaux pour le développement de la qualité. La Commission fédérale pour la qualité (CFQ) soutient la mise en œuvre de ces objectifs par des programmes, des projets et des études. De plus, les associations de prestataires doivent conclure une convention de qualité avec les associations d’assureurs-maladie, dans laquelle sont consignées des mesures de qualité obligatoires (pour plus de détails sur les nouvelles exigences nationales, voir Magazine ASD 4/2021).
Dr Franziska Zúñiga, professeure en sciences infirmières à l’Université de Bâle et membre de la CFQ, et Cornelis Kooijman, co-directeur d’Aide et soins à domicile Suisse, discutent ci-après de ce qui a changé depuis 2021 avec la mise en œuvre de la nouvelle législation.
A quoi travaille actuellement la CFQ?
Depuis sa création au printemps 2021, la CFQ a consacré «beaucoup de temps et d’énergie à un travail de fond», écrit le Conseil fédéral 1. Franziska Zúñiga le confirme: «La CFQ veut initier des changements durables. Et elle veut par exemple inclure tous les fournisseurs de prestations dans de bonnes solutions centrées sur les clients. Pour atteindre tout cela, un bon travail de fond, comme la collecte de données pertinentes, est extrêmement important – et celui-ci prend du temps», explique-t-elle. Cornelis Kooijman souhaite que l’ASD ne soit pas oubliée dans ce travail de fond. «J’ai pu constater, au cours des deux dernières années, que les membres de la CFQ attachent de l’importance à tous les fournisseurs de prestations. Et qu’ils savent, par exemple, que l’ASD effectue un grand travail de prévention qui n’est pas bien financé», assure Franziska Zúñiga.
La CFQ veut initier des changements durables. Et elle veut inclure tous les fournisseurs de prestations dans de bonnes solutions centrées sur les clients.
Franziska Zúñiga
Représentante de la communauté scientifique au sein de la Commission fédérale de la qualité
La chercheuse en sciences infirmières souhaite toutefois que l’ASD s’implique elle-même davantage dans le développement national de la qualité: «La CFQ a la possibilité de financer pour moitié des projets en faveur du développement de la qualité. Et elle peut confier un mandat qui contribue à la réalisation de ses objectifs annuels à l’externe. Mais jusqu’à présent, le secteur stationnaire en fait plus fortement la demande que le secteur ambulatoire», dit-elle.
Pourquoi les négociations des contrats de qualité piétinent-elles?
Aucun des 19 contrats de qualité n’a encore été conclu, alors que le Conseil fédéral souhaitait y parvenir dès le printemps 2022. Aide et soins à domicile Suisse négocie également – conjointement avec l’Association Spitex privée Suisse (ASPS) et l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) – avec les faîtières d’assureurs santésuisse et curafutura. Selon Cornelis Kooijman, la délégation de négociation des soins à domicile salue le fait que les standards de qualité soient uniformisés et rendus obligatoires par la convention de qualité. Le fait que les négociations n’ont pas encore abouti s’explique notamment par la Stratégie qualité 2022-2024, rendue public en mars 2022. En effet, le Conseil fédéral y stipule que toutes les dépenses liées au développement de la qualité sont déjà indemnisées par l’assurance obligatoire des soins (AOS). «Nous ne sommes pas d’accord avec cela», clarifie Cornelis Kooijman. «Nous ne signerons rien tant que le financement de toutes les charges supplémentaires engendrées par la convention ne sera pas réglé et garanti. Les organisations d’ASD auront notamment un surcroît de travail parce qu’elles devront rapporter chaque année la réalisation de toutes les exigences de qualité.»
La déclaration du Conseil fédéral sur l’AOS a «mis un coup d’arrêt aux négociations», confirme Franziska Zúñiga. Dans le même ordre d’idées, lors du colloque d’Aide et soins à domicile Suisse, le vice-président de la CFQ, Bernhard Güntert, a déclaré que la discussion sur le financement des charges supplémentaires n’était pas encore terminée (voir l’article). Quoi qu’il en soit, la CFQ a reçu le mandat de soutenir le développement des contrats de la part du Conseil fédéral. «Nous ne dicterons rien quant au contenu, mais nous soutenons les travaux de développement ou de mise en œuvre en lien avec les contrats qualité lorsque cela est nécessaire», dit Franziska Zúñiga.
Selon Cornelis Kooijman, la convention de qualité des soins à domicile doit avant tout rendre visible ce qui existe déjà. «Nous travaillons en premier lieu à ce que la convention entraîne le moins de charges supplémentaires possible. Nous y parvenons en intégrant dans les contrats des mesures de qualité que l’ASD met déjà en œuvre dans son travail quotidien. Par exemple, l’ASD ne doit pas avoir à collecter plus de données qu’auparavant», explique-t-il. «Deuxièmement, nous voulons uniquement adopter des mesures de qualité – comme un CIRS 2 national – qui sont explicitement mentionnées dans l’OAMal». Franziska Zúñiga et Cornelis Kooijman sont cependant d’accord sur le fait que les négociations ont déjà provoqué beaucoup de retombées positives. «Par exemple, Aide et soins à domicile Suisse a créé une commission qualité composée de représentantes et représentants issus de toutes les régions couvertes par l’ASD, qui discutera dorénavant de manière centralisée des thèmes nationaux liés à la qualité», rapporte Cornelis Kooijman. «De plus, Aide et soins à domicile Suisse veut créer un CIRS national pour l’ASD. Lors du second semestre 2023 ou début 2024, nous demanderons une aide financière à la CFQ pour ce projet.» Selon Franziska Zúñiga, cette stratégie proactive est louable. «La CFQ souhaite que les fournisseurs de prestations régissent eux-mêmes leur développement national de la qualité», souligne-t-elle.
Qu’en est-il des indicateurs de qualité de l’aide et soins à domicile?
Les indicateurs de qualité (IQ) constituent un autre
sujet sur lequel l’ASD pourrait s’engager de manière proactive, selon Franziska Zúñiga. «Grâce aux IQ, des aspects relatifs à la qualité comme les douleurs quotidiennes ou le nombre de chutes de patientes ou patients peuvent être mesurés et présentés de manière uniforme», explique-t-elle. Mais contrairement à d’autres fournisseurs de prestations, les soins à domicile ne disposent pas encore d’IQ approuvés au niveau national. C’est pourquoi les objectifs annuels de la CFQ pour 2022 prévoyaient que la CFQ charge des tiers de l’élaboration de ces IQ. Mais le mandat n’a pas été exécuté car des travaux de base sont encore en cours. «Trouver des IQ sur lesquels l’ASD exerce seule une influence, et non une équipe interprofessionnelle, est un défi particulièrement important. Et l’ASD elle-même dispose de la meilleure expertise et des meilleures bases pour relever ce défi», explique Franziska Zúñiga. C’est pourquoi la CFQ souhaiterait qu’Aide et soins à domicile Suisse prenne en charge le développement des IQ. L’association faîtière pourrait par exemple recourir au pool de données national HomeCareData (HCD).
«Il est certainement judicieux que l’ASD définisse elle-même les IQ qu’elle doit mesurer et identifier», confirme Cornelis Kooijman. C’est pourquoi Aide et soins à domicile Suisse prévoit de déposer une proposition de projet auprès de la CFQ avant fin 2023. L’association espère obtenir un soutien financier afin d’examiner et de mettre en œuvre les IQ qui ont été élaborés pour l’ASD dans le cadre du Programme national de recherche «Système de santé» (PNR 74) (pour plus d’informations sur ces IQ, voir les explications relatives à la session B).
Que signifie l’exigence d’un suivi et d’un tableau de bord?
Selon Franziska Zúñiga, les IQ sont nécessaires pour atteindre les objectifs quadriennaux du Conseil fédéral. «Ceux-ci comprennent un monitoring et un dashboard nationaux pour tous les fournisseurs de prestations», explique-t-elle. «Grâce au monitoring, les entreprises peuvent elles-mêmes mesurer et évaluer leur qualité au fil du temps. Et décider sur cette base où commencer leur développement de la qualité.» Le «tableau de bord» («dashboard» en anglais) est en revanche un outil permettant de rendre la qualité visible, ajoute-t-elle. «Les clientes et clients peuvent en apprendre davantage sur certains aspects de la qualité dans l’Aide et soins à domicile grâce au tableau de bord. Et les décideurs comme les communes, les cantons et la Confédération utilisent le tableau de bord comme instrument de pilotage.» La chercheuse en sciences infirmières part du principe que l’ASD indiquera dans le tableau de bord les IQ sélectionnés, comme les douleurs quotidiennes des clientes et clients. Mais la qualité des prestations d’ASD pourrait aussi bien être indiquée par les PREMS (Patient Reported Experience Measures) et surtout par les PROMS (Patient Reported Outcome Measures). «Le tableau de bord pourrait donc aussi montrer comment les clientes et les clients considèrent le travail de l’ASD et comment ils en évaluent les résultats», explique-t-elle. Selon Franziska Zúñiga, l’ASD pourrait par exemple utiliser à cet effet le questionnaire élaboré dans le cadre du PNR 74 pour mesurer les PREMS des services d’ASD (voir les explications et Magazine ASD 4/2021).
La CFQ a chargé la plateforme nationale Swiss Learning Health System (SLHS) d’interroger en 2023 les principaux acteurs sur leurs attentes et leurs idées concernant le futur monitoring et le tableau de bord. «D’une part, nous souhaitons savoir de quelles informations la patientèle et leurs proches ont besoin et attendent. D’autre part, nous voulons savoir ce que les fournisseurs de prestations ont à disposition, ce dont ils ont besoin et ce qu’ils veulent identifier», explique Franziska Zúñiga. Dans les soins à domicile, le monitoring et le tableau de bord pourraient se baser sur le pool de données existant HCD. «Pour cela, il faudrait que cette très bonne plateforme devienne obligatoire – comme les instruments interRAI HCSuisse sur lesquels elle se base.»
Nous avons aussi besoin d’un système qui aide à optimiser et à mesurer la qualité de la collaboration interprofessionnelle.
Cornelis Kooijman
Co-directeur d’Aide et soins à domicile Suisse
Où en sera le développement de la qualité dans deux ans?
«J’espère que dans deux ans, les contrats de qualité auront été négociés», répond Franziska Zúñiga. «Et je suis sûre que d’ici là, nous saurons à quoi devront ressembler le monitoring et le tableau de bord pour les soins à domicile et que nous pourrons commencer leur mise en œuvre.» En attendant, Cornelis Kooijman demande que la CFQ ne se concentre pas uniquement sur la qualité des différents fournisseurs de prestations dans les années à venir. «Nous avons aussi besoin d’un système qui aide à optimiser et à mesurer la qualité de la collaboration interprofessionnelle. Dans la gestion de la médication, par exemple, une bonne collaboration est particulièrement importante pour la sécurité de l’ensemble des patientes et patients», dit-il.
«La CFQ encourage aussi les projets intersectoriels pour le développement de la qualité», assure Franziska Zúñiga à titre de conclusion. «Car nous sommes conscients qu’à l’avenir, il faudra aussi résoudre le défi de définir des exigences de qualité pour la collaboration interprofessionnelle.»
1 Plus d’informations sur la CFQ, y compris ses objectifs annuels et
les projets qu’elle a lancés, sur www.bag.admin.ch/bag/fr/home/
das-bag/organisation/ausserparlamentarische-kommissionen/
commission-federale-qualite-cfq.html
2 CIRS est l’abréviation de «Critical Incident Reporting System». Il
s’agit d’un système d’enregistrement et de traitement des erreurs
(potentielles).